retour

REFLEXIONS DE MORALE POLITIQUE

D'UN ANCIEN INGENIEUR A LA RETRAITE

 Je ne sais si ces réflexions serviront à grand chose, mais je ressens actuellement le besoin de les consigner par écrit. Elles ne font l'objet que d'une exposition rapide. Leur nature peut déconcerter, elles sont présentées comme des évidences, sans références à des autorités retenues, mais il est possible de les développer de façon approfondie. Je n'ai pas voulu le faire pour ne pas leur faire perdre leur force de conviction. Il est intéressant de les considérer comme des hypothèses et de vérifier ensuite leur bien fondé sans préjugé.

 Je n'ai aucun titre particulier qui me désigne pour les faire, sinon que d'avoir pendant toute mon activité professionnelle fait preuve d'originalité et de rigueur de pensée, ce qui m'a souvent permis de dégager des solutions originales à des situations apparemment bloquées.

 Je peux, de ce fait, raisonnablement espérer qu'il en sera de même pour ces essais de réflexion.

  Dans le monde, tous les hommes pratiquement sans distinction de culture croient au caractère sacré de la vie.   Aussi, comment se fait-il, que chaque jour, tant de crimes soient commis, tolérés et même aidés sinon provoqués indirectement?   En pratique, nous constatons en permanence que les  violations de ce principe sont faites au nom de nécessités plus impérieuses.   Tous ces actes ont en commun un fait: les victimes sont les plus faibles, ce qui s'explique presque mécaniquement car leur sacrifice ne fait pas courir de dangers à ceux qui les sacrifient, ils n'ont pas de moyens de défense. On constate que fréquemment des moralistes modernes excusent ces actes au nom de l'humanisme ou d'idéologies révolutionnaires qui ne s'embarrassent pas de religion.   Pour cela, la méthode est simple, les "faibles", les victimes sont mis en marge de l'humanité:

  - les embryons ne sont pas encore des hommes, au moins pas avant un certain nombre de jours (lequel?), choisi par facilité, avant qu'ils deviennent embarrassants, trop forts en quelque sorte; car avec la difficulté de tuer revient la conscience morale moderne; encore prend on soin de réserver leur suppression à une "catégorie" à part les "médecins" à qui on laisse accomplir les taches "équivoques", en invoquant leur "compétence".

  - les personnes en coma dépassés ne sont plus en "vie", leurs fonctions sont ou maintenues artificiellement ou arrêtées et ainsi servent-ils de terrain d'expérience sans que leur propre intérêt soit pris en compte ni même souvent celui de la famille. Les libertés que l'on prend avec leur "vie" est directement à la mesure de la certitude que l'on a de leur impuissance.

  - dans un degrés moindre, les prisonniers, les aliénés, les vieux sans défense, sont les victimes désignées habituelles de ceux qui les tiennent à leur disposition: les "forts".  La cruauté des tortionnaires se mesure aussi directement à la certitude que ceux ci ont de leur impunité.  Dans ces cas, ces tortionnaires qui existent dans tous les pays du monde se trouvent des mobiles: contribution à la défense de la société, punition d'agissements passés, souvent supposés.

  Tout ceci donne malheureusement à penser qu'en réalité l'homme ne respecte la "vie" que quand il ne peut pas faire autrement: quand il craint d'y attenter.  Heureusement la plupart du temps la "vie" est suffisamment forte pour qu'on la respecte.  Que les religions lui ait donné un caractère sacré ne fait que renforcer ce sentiment et est à mettre à leur crédit.  Mais n'oublions pas que, au nom des religions ou des idéologies, cette crainte peut également être inhibée et que au nom des religions des fanatiques commettent des massacres d'innocents incapables de se défendre. Il faut donc juger des pratiques religieuses à leurs fruits réels. L'humanité progressera si elle apprend à respecter la faiblesse surtout la plus extrême, à la protéger, à guérir les misères et non pas à essayer de moraliser l'avortement, l'euthanasie et les expériences sur la "vie" quelque soient l'excellence des buts recherchés ou même les résultats obtenus et les misères soulagées qui ne le sont qu'au prix de la "vie" des plus faibles et dont l'humanité tout entière payera finalement le prix un jour ou l'autre.

LA LUTTE DES CLASSES NE SERT PLUS NI LA CLASSE OUVRIERE NI LES ENTREPRISES

  La lutte des classes a existé, elle a concerné tout d'abord la bourgeoisie qui dés qu'elle a été consciente de sa force a lutté contre la noblesse pour lui ravir le pouvoir et ensuite tout fait pour se conserver la disposition d'une masse de serviteurs sous payés écartés de la vie sociale.  L'émergence de la force de cette nouvelle classe de "travailleurs" et son éveil, favorisé par les idéologies révolutionnaires, a provoqué une nouvelle lutte qui ou bien a fait basculé la nation vers une dictature dite "prolétarienne" ou bien a pu se circonscrire au sein des entreprises.  Sociologiquement l'écart entre le bourgeois et le travailleur disparaît, il ne subsiste depuis longtemps qu'au sein des entreprises.  Voici qu'à leur tour celles ci subissent de profondes modifications pour faire face à la concurrence accrue de l'Asie du Sud Est.  Pour survivre et avec elle ses employés, elle est obligé d'améliorer constamment ses performances, et malgré le discours passéiste de la plupart des syndicats traditionnels, les employés eux mêmes en sont tout à fait convaincus.  Seuls feignent encore de l'ignorer ceux qui se croient à tort à l'abri de la concurrence et bénéficient de rentes de situation qu'ils veulent perpétuer en ignorant le monde extérieur, mais que, bien sur, celui ci rattrapera.

                ***

 Auparavant, le problème était bien connu, tout était bon pour essayer d'arracher aux patrons des améliorations de la condition ouvrière, qu'il s'agissent des horaires, des salaires, des conditions de travail, de la sécurité, de l'âge de la retraite etc..et l'expérience a montré que les entreprises profitaient également de ces progrès sociaux qui en élevant la condition ouvrière élargissait considérablement la taille du marché. Ces masses salariales accrues profitaient en général aux entreprises qui les avaient procurées en élargissant leur marché.

  Actuellement la concurrence fait rage, il y a plus d'offre que de demande.  Ne subsistent que les entreprises les plus performantes dans tous les domaines qui accaparent ces marchés, ne laissant plus rien aux autres.

         ***

 Maintenant, le problème a une dimension supplémentaire: le travailleur lui même doit viser tout autant à améliorer sa condition qu'à améliorer la compétitivité de son entreprise et par un juste retour des choses le rôle du patron est également élargi.  Le patron ne peut espérer de profits durables que s'il arrive à mobiliser des employés compétents à la poursuite d'une compétitivité accrue; pour cela il faut attirer les meilleurs éléments possibles donc être capable de leur assurer des conditions de travail meilleures que dans les autres entreprises.

 Dans ces conditions tout semble fort simple, les intérêts sont communs, il doit être facile de trouver un terrain d'entente.

 Hélas! la réalité est tout autre; il faut compter avec la culture de chaque nation, Les différences de réaction ou d'adaptation entre les différents pays sont en effet fonction de leurs cultures plutôt que de données purement logiques; encore faut-il inclure la connaissance des métiers dans la culture et ne pas trop la mesurer à l'aune des intellectuels, mais plutôt à la lumière de l'histoire profonde de la nation concernée.

DES FAIBLESSES DONT SOUFFRE LA FRANCE

COMMENT Y REMEDIER ?

  Prenons le cas de la France. quels sont les handicaps et les forces majeurs qui découlent de la culture française , par rapport à d'autres nations.

  Un tel examen ne peut être que superficiel, et nécessiterait un recul et un travail considérable, cependant je prendrais le risque de suggérer à ce sujet un certain nombre de points vers les quels l'intuition et des réflexions m'ont dirigés et qui ont le mérite de permettre de suggérer des améliorations qui renforceraient notre efficacité sans saccager la culture dont nous sommes fiers.

 Ces points concernent : l'éducation, la langue surtout écrite, le fait syndical et l'organisation économique des conflits sociaux.

 Dans ces trois domaines nous souffrons de cruelles faiblesses.

L'EDUCATION

Dans ce domaine, la France a beaucoup évolué depuis un siècle, tout le monde est scolarisé gratuitement, l'éducation touche donc tout le monde.  Mais en même temps, des aspects essentiels de l'éducation ont été pratiquement abandonnés: La religion et même la morale, et l'éducation sociale: celle des corps, les bonnes manières, les arts.  L'éducation ne s'adresse qu'à l'esprit lui retirant par là même ses assises.  Par une autre simplification extrême, la transmission des connaissances est exclusivement magistrale, priorité à ce que dit le maître, il a toujours raison, c'est une transmission de supérieur à inférieur, la réflexion n'est permise que dans des cadres étroits et caricaturaux comme les mathématiques ou la philosophie qui n'ont jamais fait de mal à personne et ne remettent pas en cause le principe de l'autorité des maîtres.  C'est une éducation de mandarins où les plus agiles réussissent aux grandes écoles sans avoir véritablement exercé leur pensée; Les moyens font des professeurs acquis au système, et les autres sont livrés à eux mêmes sans armes pour affronter la vie et sans comprendre ce qui les attend une fois quittée l'école.

 Il y a heureusement nombre d'exceptions à cet univers kafkaïen, C'est le cas des professions de santé, de l'art, de l'architecture et depuis peu de l'enseignement technique dans les I.U.T.  où les finalités réelles sont prises en compte.

 Pour améliorer cet état de fait, il ne faut certainement pas révolutionner le système, mais l'adapter au vrai problème de l'ouverture des intelligences.  et pour cela faire preuve également d'intelligence et pour commencer éliminer tous les défis à l'intelligence qui encombrent les activités scolaires, apprendre aux enfants à raisonner avant d'apprendre quoi que ce soit, ils ne retiendront et donc n'apprendront que mieux, arrêter de prétendre que quelque chose a de la valeur alors que la raison montre le contraire, sous prétexte que le professeur le dit.  La France se prétend cartésienne en fait, elle ne l'est pas ou très peu, elle a tout à gagner à le redevenir et à abandonner le plus tôt possible ses habitudes de référence au principe d'autorité et la primauté accordée aux discours sur les actes; rien n'est sacré que le sacré, rien n'est acquis que ce qui est construit ou démontré; il faut apprendre à aimer le vrai, à exercer son bon sens, à n'accepter que ce que l'on a compris et vérifié, apprendre à ne placer sa confiance que dans des gens qui le méritent, non par sympathie, mais uniquement si l'on a déjà éprouvé leurs actes.  Il faut chercher à mériter la confiance des autres en veillant à oeuvrer sans crainte d'être démenti par les faits.  Pour cela il faut plus faire que dire, celui qui parle beaucoup réalise rarement, et les gens doivent être estimés à leurs résultats .  Le faire savoir n'est utile que si il y a un objet, et sa pratique est détournée de son but en France où tout est objet de gloriole quelque soit sa réalité et sa valeur.

 LA LANGUE FRANCAISE

 Un autre domaine, beaucoup plus focalisé, le langage, illustre bien les déviations de notre culture.

 La langue française a certainement une grande histoire, mais celle ci est maintenant loin derrière nous.  En réalité depuis le dix neuvième siècle. Que s'est-il passé, quel est l'état actuel?

Essayons d'y réfléchir.

 Avant le 19 ème Le français était la langue de l'élite française et internationale.  Cette langue était suffisamment codifiée, mais point trop, elle était à la fois précise et nuancée.  Le peuple ne la parlait pratiquement pas et restait attaché à ses patois et à ses dialectes.  Parallèlement, l'anglais à partir de la révolution de 1789 a commencé à se répandre dans les milieux d'affaires et diplomatiques en réaction contre la Révolution et l'empire.

  Cinquante ans plus tard, au lieu de percevoir le danger que présentait cette concurrence nouvelle, les grammairiens du 19 ème siècle se sont ingéniés à codifier le français d'une manière détaillée et despotique et souvent incohérente: les exceptions étant plus nombreuses que les règles sous des prétextes qui étaient raisonnables à l'époque mais sont devenus maintenant de fait un défit à la logique et à l'intelligente, faisant du français écrit une langue parfaitement ésotérique alors qu'il était il y a deux siècles une langue ouverte, encore vivante.  Ceci n'aurait eu que peu de conséquence si l'instruction obligatoire promulguée peu de temps après n'avait obligé, depuis maintenant 90 ans, tous les jeunes français à apprendre cette langue obscure avant que leur esprit soit en mesure de l'apprendre et ainsi rendu stupide des générations entières qui ne savent que par  mémoire, ignorent ou se méfient de la logique et surtout sont affligés inutilement d'un énorme complexe d'infériorité vis à vis de ceux qui ont réussi à maîtriser cette langue difficile, ce qui n'est en réalité que la conséquence d'aptitudes innées de vision centrale et de mémoire instantanée plus élevées que la moyenne et est statistiquement donné à environ 25 pour cent de la population sans que pour autant cela s'accompagne d'un quotient intellectuel ou une intelligence plus élevée que les autres.  Cet exercice stupide a contribué à maintenir en friche l'intelligence de prés de cinquante pour cent de la population et a constitué un gâchis énorme pour la nation.

 Ceci est monstrueux. Personne n'en parle ni n'ose y apporter une solution. Puisque j'en ai parlé j'essayerai de proposer quelques idées pour sortir de cette situation.  Tout d'abord ne pas changer la codification du français, il existe et est utilisé, il faut donc le garder en l'état pour ne pas ajouter à son incohérence.  Ensuite, comme d'autres nations à qui cela a réussi définir en suivant des règles "logiques" un "petit français" à l'étendue peut-être limitée où l'écriture se déduit de la phonétique et dont les règles ne comportent AUCUNE EXCEPTION tant pour le masculin que le féminin, les pluriels, les conjugaisons et les accords.

 L'écriture et l'expression écrite seraient enseignés au début avec ce "petit français" le temps que l'intelligence s'éveille avec le goût de la logique. Un point important serait d'accepter l'emploi du français traditionnel en tout endroit et même pour des mots isolés si l'intéressé le préfère.  En suite le vrai français serait appris. Avec l'esprit ouvert les enfants réussiraient bien mieux et distingueraient ce qui est du domaine de la réflexion et ce qui vient de la tradition et les nuances que cela permet.

L'enseignement du grec et du latin y contribuerait efficacement, espérons qu'il se développera, comme au temps des humanités, mais à son heure.

 Je voudrais à l'appui de cette proposition dire que les personnes qui à ma connaissance manient le mieux le français ont presque toujours commencé leur éveil intellectuel par une autre langue ou un patois bien structuré.  Un pays doit être assez "intelligent" pour ne pas gâcher les intelligences de ses enfants et prendre les mesures qu'il faut pour cela.

LES CONFLITS SOCIAUX.

 Un pays ne doit pas non plus se résigner voir se déliter son tissus industriel par la pratique suicidaire actuelle des conflits sociaux, qui comme précédemment résulte d'un attachement irraisonné à des habitudes néfastes mais que l'on a sacralisé.  A l'origine des habitudes actuelles, comme précédemment, il y a des raisons indiscutables et des résultats très importants. Mais elles ne conviennent plus aux temps actuels, il faut les faire évoluer.

 Il y a toujours eu conflit entre les intérêts des patrons et des salariés, même s'ils sont sur le même bateau, le fait nouveau c'est qu'ils sont entourés de bateaux ennemis cherchant à les détruire et que pour survivre il leur faut arriver à en détruire un certain nombre et s'armer pour cela.

 Sans ignorer et pour permettre à ces conflits d'intérêt de se résoudre il faut imaginer de nouveaux mécanismes qui permettent aux patrons et aux employés d'en découdre sans que les entreprises en pâtissent, mais seulement en obligeant les uns et les autres à mettre en jeu dans le conflit leur parts de responsabilité dans l'entreprise et une partie de leurs salaire.

  Je fais des suggestions.

  Dans ce cas également, il ne faut pas non plus toucher au droit de grève, mais en réserver les formes actuelles aux situations qui ne seraient pas réglées en un laps de temps court par des moyens moins traumatisants pour l'entreprise, tels que je les propose.  Ces moyens doivent être cependant une forme de lutte où chacun s'il cherche à gagner peut aussi perdre, il faut un rapport de force; le vice dans la grève actuelle est que le risque du patron est en fait le risque de l'entreprise et qu'il n'est touché qu'indirectement si l'entreprise lui appartient, ce qui est de plus en plus rare, et parfois pas du tout s'il n'est qu'un mandataire.

 A mon avis, il faut que le risque du patron soit direct, au cours d'un conflit il faut qu'il risque de perdre au moins une partie de sa propriété ou de son pouvoir de contrôle, mais que l'entreprise elle même ne soit pas touchée.

  Comment cela?

 On peut imaginer le processus suivant: après un vote à bulletin secret les employés décident que tant que leurs revendications ne seront pas satisfaites d'instituer un "conflit". Dès que le "conflit" est ouvert les employés qui continuent à travailler perdent cinquante pour cent de leurs salaires pour la totalité des effectifs cadres dirigeants compris.  Les sommes ainsi bloquées doivent obligatoirement être employées à investir à "l'intérieur de l'entreprise" et chaque employé reçoit un nombre d'actions de l'entreprise équivalent au prélèvement qu'il a subi en fonction du cours au jour le jour de l'action.

 Les employés sont limités dans leur combat par le manque à gagner qu'ils subissent, les propriétaires voient leur part de capital se diluer à l'occasion de cette augmentation de capital et ils risquent de perdre le contrôle de l'affaire au profit d'un regroupement des actionnaires salariés qui pourra ainsi peser sur son contrôle et ainsi intéresser ceux ci doublement à sa prospérité.

 L'obligation pour les salariés de se syndiquer pour pouvoir travailler dans une entreprise donnerait aussi beaucoup de sérieux et de poids aux syndicats qui quitteraient le terrain idéologique actuel qui est si néfaste pour celui de la défense stricto sensu des droits des travailleurs.

  En conclusion, ces diverses propositions originales sont logiques et devraient être efficaces et contribuer à la prospérité des entreprises et de la nation.  J'invite les personnes de bonne foi intéressées par ces suggestions à interpeller les responsables politiques , universitaires et syndicaux qu'ils connaissent pour qu'ils adoptent une position claire à leur sujet. Si beaucoup le font des résultats peuvent être obtenus rapidement.