Sécurité routière et peinture.


1990

Le triste bilan actuel des victimes de la route émeut l'opinion et donne lieu à toutes sortes d'initiatives médiatiques qui auront sans doute le mérite d'épargner quelques victimes, mais l'inconvénient d'être vite oubliées et par contre d'occulter les vraies raisons de la triste situation de la France en ce domaine.

Pourquoi sommes-nous tellement en retard sur les pays voisins ? Pouvons-nous y remédier ? Ce sont les vraies questions.

Qu'y a-t-il de si différent entre nous et les autres ?

Les véhicules certainement pas, ils sont quasiment identiques et le parc n'est pas plus vétuste. Nous devons, bien sur, les améliorer les mais cela ne réduira pas l'écart avec les autres pays.

La Culture automobile des français, sans doute et il y a beaucoup à faire, mais ce sera long.

- La route : certainement et là on peut faire des progrès rapides, à peu de frais dans certains domaines. On peut noter d'ailleurs que les étrangers venant en France ne sont pas plus épargnés chez nous par les accidents que les français.

Quelles différences y a-t-il entre nos routes et celles de nos voisins où la circulation fait moins de victimes ?

J'invite pour le découvrir les personnes que cela concerne à prendre la peine d'aller circuler en voiture en Angleterre, en Allemagne de l'Ouest, en Belgique, aux Pays Bas, en Suisse, en Italie, en Espagne et de revenir en France, ils comprendront tout de suite tellement cela saute aux yeux ce qui diffère. Les routes françaises sont les seules à ne pas être balisées correctement latéralement. Les ponts et chaussées font chez nous des économies de peinture flagrantes, car, sur les routes où ces signalisations existent, elles sont rarement rafraîchies de telle sorte qu'elles sont souvent peu visibles, et ailleurs elles sont carrément absentes dans la plupart des cas. Ce vénéré corps ne pense pas que cela soit nécessaire et comme cela se fait dans beaucoup d'autres domaines (par exemple l'éducation nationale) n'attache que peu d'attention à l'entretien des équipements qui est une tâche peu noble.

A coté des routes étrangères nos routes sont tristes, alors qu'un peu de peinture les rendraient accueillantes comme les petites routes anglaises de campagne où il fait bon rouler. On ne respecte que ce qui est respectable. Il est prévisible que dans un cadre plus agréable les conducteurs profiteraient plus des agréments du déplacement et moins à abréger leurs voyages. Chacun sait d'ailleurs qu'un véhicule dont la carrosserie est sale récolte beaucoup plus vite les éraflures et les gnons qu'un véhicule soigné.

Ce propos peut sembler anecdotique, mais il est malheureusement grave. Les statistiques nous disent que la circulation nocturne qui ne couvre que 20% du trafic est responsable de 45% des victimes. C'est à dire qu'elle est en France deux fois et demi plus meurtrière que la circulation de jour.

Tous ceux qui ont conduit la nuit savent quel confort représente un balisage des bordures de route bien fait et quelle difficulté il y a à conduire quand il est absent, la visibilité ne cessant de varier au gré de la couleur du revêtement, des éclairages nocturnes, des arbres et de la nature réfléchissante du sol et qu'en son absence l'on est crispé craignant sans arrêt que quelque chose d'imprévu ne se produise. Avec des bordures bien balisées tout redevient normal surtout lorsque l'on a confiance dans ce balisage. J'ai conduit très souvent la nuit en Allemagne, même par temps de brouillard, sans crainte aucune de me retrouver au milieu de la route ou dans les bas cotés. Puissions-nous pouvoir en faire autant chez nous.

Aussi, Messieurs des ponts et chaussées apportez votre pierre à la sécurité routière :

"Soyez efficaces, à vos pinceaux"

Pierre Bouthors

(ancien ingénieur en chef à la Régie Renault)