AVANT PROPOS



La première partie de cet ouvrage reproduit le plus fidèlement possible les souvenirs, parfois de simples notes, que mon père avait petit à petit écrits, après la mort de ma mère, pour retrouver un peu et au moins ne pas laisser échapper les meilleurs instants de sa vie. La limpidité de ses récits, leur pouvoir d'évocation de la vie en Picardie depuis le début du siècle méritent d'être appréciés bien au-delà du cercle familial.

Pour éviter, sans doute, de blesser il évite de parler de personnes vivantes, en particulier de ses huit enfants. Ses sujets favoris sont sa jeunesse, sa femme qu'il aimait beaucoup, ses chevaux, ses automobiles, ses vélos, la guerre de 1914, le tennis, la chasse, la pêche qu'il avait pratiqués avec passion.Ces souvenirs ont été écrits petit à petit sans souci de composition, il y a quelques redites, je les ai laissées telles quelles. J'accompagnerai parfois le texte d'explications pouvant le compléter, et surtout situer le contexte pour un lecteur qui ne connaît nécessairement pas les environnements familiaux, locaux et régionaux.

Chapitre 1

58 ans d'un mariage très heureux. Du 28 octobre 1924, à Château Thierry, au 22 juillet 1983 à Amiens, décès d'Andrée Raison.

Ce fut un mariage de raison envisagé par tante Marguerite Tageaux. de Citerne et mes parents. Après 6 mois de bons renseignements une entrevue fut arrangée à Citerne le Dimanche 24 août 1924. Je n'avais jamais vu Andrée. J'avais préparé un questionnaire auquel Andrée a répondu favorablement, et... dès le soir nous étions décidés. Andrée est venue voir atteler le poulain pour me reconduire à la gare de Wiry. J'ai vu Andrée pour la première fois à la maison de Citerne et l'impression a été bonne de suite : beaucoup de chic et distinction. Dès le 31 août on recevait Madame Raison et sa fille et papa a fait la demande. J'avais envoyé une dépêche à Bus le 25 : "affaire excellente, occasion exceptionnelle".

Je le pense encore aujourd'hui et notre mariage, s'il était préparé, fut et est resté un mariage d'amour parfait jusqu'au dernier jour. Elle m'a rendu aussi heureux qu'on pouvait l'être en ce monde pendant une période aussi troublée surtout la guerre et les bombardements de 43 et de 44. Heureusement Agnès nous a logés à Couin dans la ferme d'en bas jusqu'à la libération.

Madame Bernard Bouthors mon épouse, née Andrée Raison est née à Château Thiery (Aisne) 1 rue saint Martin le 26 mars 1903 de Maurice Raison avoué à Château Thiery originaire de Reims et de Marthe Huré d'Abbeville, soeur d'Albert, Antoine, Louis, Marguerite, Marie Thérèse (tante Mimi).Marguerite était la femme de Joseph Tageaux, ami de Jean Bouthors à la Providence à Amiens, que nous avons retrouvé à l'évacuation à Citerne en 1914. D'où notre mariage.Andrée a été baptisée et a fait sa 1ère communion à l'église saint Crépin.

Pour ses jeunes années le mieux est de se reporter à ce qu'elle a écrit à leur demande pour ses petits enfants. Elle a fait toutes ses études à l'école de la Madeleine rue saint Martin à Château Thierry sous la direction de mademoiselle Lacourt une femme remarquable, choisie par Maurice Raison après le départ des soeurs. Ses amies étaient Antoinette Marthner., fille du notaire, Renée C., fille de l'avoué, Lucie Stefender, une nièce de monsieur Denis, Andrée Dufour de Meaux qu'elle mariera à André Viron à Dorignies, (c'était une marieuse). Au physique c'était une jolie femme grande (1 mètre 72, 55 kilos) élancée distinguée, ayant toujours le sourire. Elle aimait être bien coiffée et allait souvent chez madame Dessavoye.Au moral, elle était une femme merveilleuse que Dieu m'a laissée 58 ans. Les lettres de condoléances ne sont que louanges.

Les obsèques ont eu lieu le lundi 25 juillet à 14 heures 15 dans la grande nef de la cathédrale pleine de monde (300 à 400 comme à une grand messe). Il y avait 9 prêtres pour concélébrer, Marcel présidait et a fait une très belle homélie, entouré de : Etienne et Michel Houdant, l'abbé Leclerc, père Lesaffre, Père Dubromel, abbé Prache, abbé Julien, abbé Pierre Perdu.

L'inhumation a eu lieu par très forte chaleur, à la sépulture de famille à Bus les Artois. Il y avait de Bus : Le maire Marquis, Raymond M. (presque aveugle), Edmond Choquet et sa femme.

Chapitre 2 Jean Bouthors : mon père. 7 janvier 1869 + 5 août 1933

Achille Bouthors et Mathilde Ibled ont eu un fils Jean Louis Henri Bouthors, né dans le nouveau Val Vion bâti en 1864. Avant lui, ils avaient eu 3 filles, Marie, Marguerite et Jeanne nées dans l'ancien Val Vion. Ce fut une grande joie pour eux, enfin un fils, alors qu'Achille était le dernier des Bouthors du Quesnoy.En 1870 il(mon père) faillit être tué dans les bras de sa mère par une balle tirée par un Hulan à travers la porte de la salle à manger. Il était ivre et ce Bavarois fut gracié à la demande de grand-mère. Il fit ses études à la Providence à Amiens comme son père et obtint son baccalauréat. Son père mourut d'un cancer à l'estomac à 50 ans. Il fit son volontariat au 29 ème d'artillerie à La Fère et à Laon et il faisait une période lors de la mort de Gabrielle en 1902. Il prit la direction de la ferme et habitait à Beauquesne dans la maison construite par son grand-père Auguste. Y naquirent :
Gabrielle en 1894.
Pierre en 1896.
Bernard en 1898, mort à Bus en 1898.

- 24 octobre 1893. Il épousa à saint Martin d'Amiens Marie Léturgie amie de pension de sa soeur Thérèse au Sacré Coeur d'Amiens.
-1898. Il achète Bus à la mort de monsieur de Nampty en grande partie en vendant les titres russes de leurs dots... bonne affaire. Les terres étant louées, il ne put les reprendre qu'à fin de bail.
Ce fut d'abord la vie de château, chasses, voisinage avec le Val Vion, Vauchelles et Mondicourt à cause d'une excellente jument que je n'ai pas connue.
Cependant cette période fut attristé par le décès du petit Bernard en septembre 1898.
- 1899. Je nais le premier dans le château, construit en 1848, le 1er août 1899 et l'on me donne le nom de mon petit frère.
- 1900. 10 octobre, naissance d'Antoinette.
- 1901. 24 septembre. naissance de René.
- 1902. Le 2 septembre ma soeur aînée Gabrielle se noie accidentellement près de la niche à chien, effrayée par lui, dans la mare saumâtre malgré une très longue respiration artificielle. Je suis allé chercher Odile au jardin et il l'a remonté avec une échelle. Père était absent car il faisait une période militaire.
- 1893. Jean Bouthors. né au Val Vion le 7 janvier 1869 et Marie Léturgie née à Armentières le 30 novembre 1874 se sont mariés à l'église saint Martin d'Amiens le 24 octobre 1893.

Madame Léturgie habitait rue Boucher de Perthes à Amiens où elle était venue en 1888 après la mort de son mari Benoît Léturgie à Armentières pour être plus près de son frère Henri Quenelle. notaire à Nesles.
Après la mort de son père, Achille en 1890, Jean Bouthors fit son volontariat à La Fère et à Laon, habita  à Beauquesne la maison construite par son grand-père Auguste Bouthors, époux d'Arsène Brouilly. Il géra la ferme du Val Vion jusqu'en 1898, suivi par son frère Joseph.
Ils eurent en 1894 Gabrielle.
en 1896 Pierre.
En 1897 Bernard, mort en 1898 à Bus- 1898.
Ils achètent le domaine de Bus à la succession du comte de Nampty. Je naquis le 1er août 1899, le premier né dans le château construit vers 1847. On m'appela Bernard.

- 1899. L'été était superbe, il y avait beaucoup de cerises dans la basse cour. Mes parents étaient allés visiter l'orphelinat des salésiens au Rossignol à Coigneux. C'est ainsi que je naquis au milieu des... prunes. Mon parrain Paul Raviard faisait une période. Je fus ondoyé quelque temps plus tard. Ce fut un baptême formidable avec distribution de force dragées, ma marraine fut tante Thérèse, madame Alphonse Tierny. J'ai eu longtemps ma boite de baptême en lettres gothiques.

- 1902. Mon premier souvenir personnel est la mort de ma soeur Gabrielle qui périt noyée dans la mare où elle est tombée à la renverse ayant peur du chien, étant grimpée près de la grille du chenil. J'ai couru chercher Odile Mathieu qui était au jardin. Il l'a remontée avec une échelle. On ne put la ranimer malgré la respiration artificielle.

Nous avions une institutrice mademoiselle Berthe Dobelle une religieuse sécularisée, excellente et sévère. Pour la moindre faute nous recevions des corrections avec un bout de rêne pliée. Mon frère Pierre reçut même une correction avec une poignée d'orties.
- 1910. Je pars au collège saint Joseph à Arras pour être avec mes cousins Tageaux et où était déjà mon frère Pierre. Le jour de mon entrée j'avais une terrible rage de dents et Pierre me mit un mouchoir mouillé sur la joue.
- 6-6-1910. Un terrible orage et la foudre passa le long du paratonnerre près de mon lit. Elle fit un petit trou dans la cour des grands. Je fis des bonnes études en 6ème puis en 5ème.
- 1911. Je rentrais à Bus pour servir d'élève au nouveau curé l'abbé Damagnez qui venait de Poix ; sa servante s'appelait madame Deflesselle. Le curé précèdent était l'abbé Ledieu qui disait qu'il ne se serait pas fait prêtre s'il avait prévu la séparation de 1905. Sa bonne mademoiselle ...... était surnommée "long nez", elle disait par exemple : "nous confessons tel jour".



Madame Jean Bouthors.

née le 30-11-1874 décédée le 9 mai 1965.
Marie Béatrix Léturgie est née à Armentières le 30 novembre 1874 de Benoît Léturgie commerçant en draps (Louvre, Bon Marché) et de Eugénie Quenelle.
Elle a épousé Jean Bouthors, du Val Vion le 24 octobre 1893 à saint Martin.
Elle a fait de très bonnes études à saint Maur à Lille puis au Sacré Coeur à Amiens où elle a connu Thérèse Bouthors, la soeur de Jean. Elle avait une excellente mémoire, un caractère très ferme, une foi très profonde.

Elle a eu 12 enfants :
Gabrielle 1894, +2-9-1902 Agnès.
Pierre 4-5-1896, +5-6-1918 Béatrix 30-7-1909.
Bernard, +1898 Elisabeth -6-1911.
Bernard (moi) 1-8-1899 Antoine 2-7-1913.
Antoinette 1-10-1900, +3-11-1979
René 24-9-1901
Yves 5-1-1905
Marcel.-1



Des chevaux

Avant 1914 la culture se faisait avec des chevaux, à la maison il y avait de belles écuries quatre places avec bas flancs d'un coté, trois boxes avec grilles ornées de grandes couronnes de comte et "N" de l'autre qui servaient aux poulinières avec leurs poulains et au cheval de voiture.
Les chevaux de trait étaient :
Stella mayennaise noire.
Ardera sa fille, noire (9 km à l'heure au pas), papa hésitait à l'enclouer pour qu'elle ne parte pas à la réquisition en 1914.
Lisette boulonnaise gris pommelée,
Jolie boulonnaise noire,
Juliette alezane,
Le poney d'abord Ménelite I, 1m10, étalon espagnol, puis Ménelite 2, puis Sultane en 14, Darling en 18 acheté à l'armée anglaise, pur-sang,
Vainqueur son fils venant de Janille à Blangy sur Bresles,
Gazelle sa fille empalée dans la percée.
Kabyle 1/4 sang venant du Val Vion,
Untel fils de "Fille de l'air" cheval à 2 fins.
Il y avait encore un box isolé dans un coin de la ferme muni d'un loquet que les chevaux finissaient par ouvrir. On dut y mettre un cadenas.
J'aimais les chevaux dès ma tendre enfance et (nous) aimions à monter dessus les pieds sur les avant-trains et les mains crispées le haut du collier.
On battait les récoltes avec une "trottineuse", plan incliné sur roulettes que le poids du cheval en piétinant faisait avancer. Cela faisait beaucoup de poussière et papa qui engrenait toujours pour bien régler le débit avait des gants à cause des chardons et attrapait beaucoup de rhumes. Une fois j'étais monté sur Jolie pleine de sueur pour rentrer à l'écurie. N'ayant qu'un licou elle partit au galop et je passais de justesse à la porte de la ferme qui était assez basse.
Ma première monture fut le petit poney Ménelik I qui tirait une petite voiture à 4 places dont l'essieu était coudé à cause de sa petite taille. Le plancher était très bas, on y montait facilement. Il y avait une charrette genre normande, bâchée, 2 roues et la grande voiture à 4 roues 2 places à l'avant et 4 places à l'arrière par où l'on accédait.


Tennis

1914. Mes parents nous offrirent une boite de tennis: 2 raquettes, 6 balles, un filet avec tendeurs. La pelouse n'étant pas assez unie nous avons décapé l'herbe à la pioche et bien roulé le terrain qui était possible. A chaque bout des perches en bois et du grillage pour arrêter les balles égarées.
A saint Joseph, j'étais en seconde, nous avions promenade le mardi et le vendredi et j'y jouais sur le jeu de paume Beaumis ou aux allées à Arras.
A Bus on faisait nos débuts sérieux et invitait quelque fois Louis et Raoul Diruy. qui pourtant n'étaient pas dans nos idées. Les soldats français y jouaient aussi puis les anglais. Il y avait même un australien champion du monde! Un général de 70 ans qui avait été aux Indes, jouait avec une chaussette noire et l'autre jaune.

1916. On jouait beaucoup dans la cour à saint Vincent, j'étais en math-élem.
1917. J'étais en math spé aux postes à Versailles. On jouait sur l'herbe puis sur un court en mâchefer.
1919. Reçu aux Mines en juin 1919.
1920. Je commençais à mieux jouer et engagé à Académia j'arrivais à jouer de temps en temps à Paris. De mon hôtel j'allais jouer fin d'après midi à Saint Cloud et on me réservait mon dîner, hors d'oeuvre, petit suisse, confiture et fruits. J'y rencontrais de bons joueurs et je fis de gros progrès, prenant des leçons avec Darsonval qui nous faisait jouer à 20 cm de la ligne du fond. Lacoste prenait aussi des leçons et Darsonval voulut me faire jouer avec lui. Je lui pris un set 6/0 et il ne voulut pas continuer, ses parents étaient là.
J'ai eu l'occasion de jouer avec Guillemot et même Brugnon. J'ai fait une fois des balles à Tilden qui s'ennuyait. Il me faisait mettre un mouchoir par terre et s'efforçait de mettre sa balle dessus quel que soit la balle que je lui envoyais.
A la Toussaint mon camarade Gourdain me conseilla de m'engager au tournoi sur court couvert au handicap, j'avais 30. J'y ai battu un anglais Davidson 6/0 6/1 et l'on a signalé mon exploit dans "l'Auto", un espoir! J'ai encore battu Chavez et ai été éliminé par Turner le fabricant de raquettes.
Au Stade j'ai beaucoup joué avec Laurent qui était aux Mines et son frère qui était ps fort.
Le court central ou se jouaient les grands championnats était bombé et le recul considérable aussi n'ayant pas de ramasseurs de balles, c'était pénible.
Au tournoi de la Toussaint, j'ai dû arbitrer, et me suis fait engueuler pour une balle faute que monsieur de la Genière voulait bonne.
- 1924. Je jouais au club de Douai avec Regnault et Lefort, que j'ai retrouvé à la chasse chez Devignes, et Dupire parent de monsieur Riolot qui jouait avec des bretelles.
- 1925 je jouais à Château Thierry et j'ai gagné le championnat de 3ème série à Soisson et le double avec Papillon. On devait jouer la finale à Reims. Nos adversaires ne sont pas venus. Partis pour Douai à 5 heures du matin, l'oncle Georges nous a offert un bol de lait et un gâteau moka, à Laon le coeur n'y était pas! A Soisson, j'avais fait 169 jeux la même journée et nous sommes rentrés à Château Thierry à minuit après avoir dîné au champagne à l'hôtel de la Croix d'or. Le lendemain nous repartions pour déjeuner à Beauquesne chez tante Marie Thérèse. A Bézu nous avions eu une panne: ressorts de soupapes cassés; après le déjeuner, nous nous sommes endormis dans le salon.

Eglise de Bus

Descendant du château par la cote de la chapelle, pavée en briques, et la petite grille du parc on arrive à l'église en contre bas du château et du presbytère. On y entre par la petite porte de la chapelle de saint Jean Baptiste et l'on descend quelques marches. Un tableau représente la décollation de St Jean Baptiste. Un petit reliquaire renferme parait-il un morceau du pouce du saint. Tous les ans le 24 juin on venait pour l'imposition des évangiles. L'église est sous le vocable de St Pierre et la fête du village avait lieu le dimanche après le 28 juin. On fêtait aussi le lundi et le dimanche suivant, c'était le "rebond".

Derrière l'autel, une représentation de l'apparition du Sacré Coeur à Ste Marguerite Marie au milieu de nuages "genre meringues" éclairée par un vitrail de couleurs bleu et rouge surmontant une petite tour en briques prolongeant la nef. Peut être que ma soeur Antoinette a été influencée par cette apparition car elle est entrée à la Visitation de Roubaix après une visite à Paray le Monial. Les de Nampty avaient offert ce travail suite à une promesse si les Allemands ne venaient pas à Bus en 1970.

Il y avait aussi un bel ostensoir en argent qu'on sortait aux processions. De chaque coté de l'autel deux vitraux représentant St Pierre et la Ste Vierge, de l'atelier L. Bazin au Mesnil St Firmin. Des colonnes ne semblaient pas tenir debout par suite de mauvaise perspective.
Du coté de l'évangile, il y avait des petits boxes fermant avec un petit verrou, un porte-livre et un petit banc couvert de velours. Nous faisions tourner de petites colonnettes qui grinçaient. C'était le coté château.
Du coté de l'épître c'était les gamins sous l'oeil du curé et du suisse. Car il y avait un suisse avec bicorne et hallebarde: Victori Josse qui avait 10 enfants. Dans la chapelle de la Ste Vierge se trouvait le confessionnal. En face de la chaire, un grand Christ et la plaque souvenir des morts pour la France en 14-18 dont mon frère Pierre tué à Longpont le 5 juin 1918. Dans le fond était la tribune et l'harmonium mu par ma mère qui dirigeait le choeur des jeunes filles. Certaines avaient une belle voix: Julienne Delaporte, Germaine Rouget, Madeleine et Georgette Choquet. Père faisait le baryton et ma mère chantait aussi malgré sa voix cassée. Pour la Noël c'était grande répétition pour le "Pastores"; Les oncles Henri et Alexandre venaient quelque fois.

Le clocher trapu et carré contenait trois cloches que l'on manoeuvrait avec cordes, les jeunes gens montaient parfois jusqu'au plafond. On payait pour faire sonner les baptêmes, les mariages et les enterrements, les glas. La grande porte du fond était alors ouverte et à la sortie on tirait en l'air force coups de feu et de pétards.
Dans le fond de la tribune, il y avait un grand placard où l'on mettait les bannières pour les processions. On sortait les cierges du "mare" et de la "maresse" tout enrubannés. On voyait alors une fenêtre à ogives (XVIème?). Un escalier en colimaçon éclairé par de minces ouvertures tournées vers les entrées des souterrains, du temps des espagnols, permettait d'accéder aux cloches. Au dessus du porche, des armes(?).


Notre évacuation en Normandie

Août-septembre 1914

Le 15 août au soir nous avons entendu le canon pour la première fois. C'était la bataille de Charleroi. Osite et Prosper Hurtel de Huppy étaient nos domestiques partis en vacances et Prosper mobilisé dans la territoriale fut tué en octobre 14 au bois de Logent près d'Ablainzeville près d'Arras. Osite revenant à Bus avait appris à Albert que les allemands étaient déjà à Guise. Elle repartit. Un monsieur de Grévillers est venu nous dire de partir au plus vite, car ils prenaient les garçons et même en avaient torturé.
Aussitôt on a préparé le grand chariot attelé avec Ardeur et Juliette et la charrette avec Sultan. Dans le chariot on a mis avoine, foin, seaux, matelas, draps et couvertures. On a enterré dans des pots de lait Maggy titres et argenterie dans un grand terrier à renards dans le carré sud-est du bois. La petite cafetière louis XV avait été oubliée. Je suis allé l'enterrer devant un terrier à lapin au bord de la grande allée. On la retrouva, brillante, à notre retour.
M. Rouget avait demandé à papa, d'emmener sa femme et sa fille qui ne nous ont pas quittés. A l'aube on est parti pour le Val Vion puis Le Roul, Naours, Wargnies, Canaples, nous avons gagné L'Etoile, nous avons vu les premiers soldats français qui gardaient le pont. Par Longprès les corps saints nous avons gagné Airaines chez M. Marcel notaire. Nous avons couché à l'hôtel à Flixecourt. La nuit nous avons entendu passer des cavaliers, ce n'était pas des uhlans mais des dragons français.

D'Airaines nous avons gagné Wiry et Citernes où papa avait un de ses amis de la Providence, Joseph Tageaux... dont j'ai épousé la nièce Andrée Raison. L'après-midi par Oisemont nous sommes arrivés à Sery.
Après quelque repos, nous avons pris le chemin de Rouen et peut être St Brieuc où était tante C.. Nous avons couché avant Neuchâtel à la petite ferme des Manger, à Neuchâtel déjeuner à l'hôtel des trois étoiles, puis les Hayons et St Martin Osmoville où l'on faisait boire les chevaux. Un homme nous ayant traités de défaitistes et de lâches papa a failli se battre. Maman l'en a empêché. Un peu avant Rouen, au Vert Galant, nous avons trouvé un grenier pour nous coucher, chez les Sallies très aimables. Il y avait une auberge à coté. Arrivant à Rouen par Bois Guillaume, Antoinette débarbouillait Antoine 15 mois et montrait son cul aux passants. Pour éviter les pavés glissants à l'entrée de Rouen nous avons pris par la rue Verte en forte déclivité. Lorsqu'on a voulu freiner, la manivelle était dévissée et les chevaux ont pu retenir en catastrophe et bloquer sur le trottoir. On a remis la mécanique et stoppé sur la place Napoléon(?) à coté de St Ouen. Un attroupement s'étant fait autour du chariot, papa a pris sa casquette et a fait semblant de faire la quête. Quittant Rouen par petit et grand Couronne nous avons gagné Bourgthérolde où nous avons été logés chez l'épicier Lhomier et une chambre vide aux papiers déchirés. Les chevaux à l'auberge à la sortie sud.
Par Brionne nous avons atteint le carrefour de Malbrough et la route de Lisieux. Coucher au Theil-Nolant, peu aimablement reçus par le châtelain et le curé, qui nous ont demandé nos papiers comme à des romanichels, dans une ferme abandonnée. Il y avait un if de peut-être 2000 ans, une niche à chien dans laquelle René toujours distrait était tombé. Le soir papa ne revenait pas, nous étions inquiets. Nous avons même cru qu'il était tombé dans une vielle mare ou plongeait un vieux tronc de saule.

A Lisieux nous avons pris la route de ST Pierre sur Dives et nous sommes arrêtés à St Julien le Faucon, très bien reçus par M. Lebidois le charcutier, M. Brossart l'épicier qui avait des parents à Foraville, et les demoiselles Seigneur où étaient les filles. Les parents et les garçons chez les Brossart. L'abondance de charcuteries eut vite raison de mes intestins et j'ai bien connu le chemin du petit coin, au fond du jardin. Après un peu de repos nous avons repris le chemin de Falaise, par St Pierre sur Dives Courcy et Louvagny. M. Lebidois avait une jolie maison avec un bow-window à petits carreaux.
Il mangeait énormément et lorsqu'il était repu faisait d'énormes rots qu'il accompagnait d'un large geste de la main pour les aider à s'envoler.
A Courcy, papa maman et les petits ont déjeuné chez M. Garnaveau, le maire. Madame fit une énorme omelette dans une grande poêle à long manche sur le feu de bois (comme la mère Poulard au mont St Michel). Les garçons ont mangé chez M. Leprince, adjoint qui avait un nez formidable violet et grêlé. Pour me guérir de ma dysenterie, il m'a donné une tasse de calvados, ce qui eut de l'effet.
Sur le conseil de M. Garnaveau nous avons frappé à la porte du château du comte de Postel engagé, bien que réformé, dans les ambulances de la croix rouge. Les Lefebvre à Mondicourt ont mis leur villa à sa disposition. La comtesse fille du marquis de la Roche Lambert dont nous avons visité le château près du Puy était absente. Les domestiques nous ont reçus aussitôt. La propriété de 100 hectares était entourée de murs et on pouvait y chasser en tout temps.
Nous avons été mis dans le splendide grand salon Louis XV et Me et Mlle Rouget dans le petit salon à coté. Rentrée la comtesse nous a dit avoir connu tante Elisabeth.
Il y avait énormément de lapins et nous avons panneauté un boqueteau et pris 200 lapins à coups de bâtons avec des furets. On les a portés à l'hôpital de St Pierre sur Dives. Pierre menait la Comtesse avec la charrette, à St Pierre sur Dives et Joeuf.
Papa a aidé à faire la moisson avec moissonneuse à très grande coupe (3m au lieu de 0,80m à Bus). Il y avait un grand cellier pour le cidre dont un fut de 70 hectolitres. Devant le château, à coté de la belle église, il y avait un gros noisetier de noisettes rouges St Gratien avec des bouquets de cinq. Résultat: j'ai attrapé une indigestion de noisettes. Nous mangions à la cuisine beaucoup de soupe aux poireaux. Le broc de cidre, en bois était bien culotté. Le front semblant se stabiliser après la bataille de la Marne, nous avons pris le chemin de retour par le même itinéraire qu'à l'aller. A Brionne près du château où les enfants peignaient les barrières blanches, on a fait boire les chevaux chez des alsaciens qui ont fait goûter à papa le meilleur pur jus qu'il n'ait jamais bu. Par Sery nous avons regagné Bus où l'on a entendu le canon. C'était la course à la mer et la cavalerie remontait vers le nord. Un soir arrivèrent des dragons et le fourrier demanda à loger les chevaux. C'était François de Molliens un petit cousin. On en a mis dans toutes les écuries et les étables. Des sentinelles gardaient le bois et le village. Ils repartirent le lendemain. Puis ce furent des cuirassiers avec le petit-fils du Maréchal Niel, M. H. et M. de C.. Ils se conduisirent très mal dans le village. Puis ce furent des hussards, blanc de peur.

Fin octobre 1914 le front se stabilisa à environ 6 km à l'est de Bus. Gommécourt, Bucquoy, Puiseux, Serre, Beaumont étaient allemands ; Fouquevillers, Hébuterne, ferme de Tout Vent, sucrerie de Mailly étaient français.
Dès lors il y eut toujours un état major au château. Le colonel de Nadaillac Cdt la 163 ème brigade territoriale s'exposait dans les tranchées, disant : "je mourrais donc dans la peau d'un colonel". -25 février 1915. Au chemin de Coigneux, Le capitaine Peyrat et le lieutenant Dardes (ing. au métro de Paris) de l'artillerie montaient observer dans une "saucisse" où ils avaient bien mal au coeur et on la descendait en vitesse quand il y avait un "taube" qui voulait l'enflammer ou des "schrapnels". Papa en a même eu un sur le talon de sa chaussure.

-12-3-1915. L'abbé Boudon aumônier du 21ème Argentin, le Gal..., le Lt Cl Clément Cdt le 20ème Tal d'infanterie, le Gal. Dauvin Cdt la 21ème division, 93ème RI et 137ème RI bretons et vendéens venaient au repos à Bus. On fit de nombreuses attaques sans succès.
-28-7-1915. Le Gal de Castelneau vint quelques jours. Il se promenait en donnant la main à mon frère Marcel.

Les Anglais.


-24-9-1915. Les Anglais relevaient les Français jusqu'à la Somme. J'ai bien connu un lieutenant de cyclistes qui logeait à l'ancienne maison de Jean Baptiste Diruy (j'ai une armoire Louis XV venant de lui). Nous jouions aux échecs et parlions beaucoup en anglais. Je faisais d'énormes progrès; plus que lui en français. Il habitait Cambridge, Appleroad Alfahouse. Sa soeur était infirmière militaire.
-26-3-1916. L'état major de la 48ème division commandée par le Gal Fanshow, Queen regiment, Worcestershire regiment, Oxfordshire yeominry, puis 31ème division de la Garde, P. de la Chesnaye interprète. John Ponsenby Gal de la 2ème brigade de la Garde, cousin du roi, qui bégayait et était surnommé Pon.Pon. Gal Cuthbert 39ème division. Gal Harper commandant la 51ème division (écossais).
-1-7-1916. La gare de Doulens fut bombardée cette nuit là. Le matin la grande attaque commençait, les pertes furent terribles, camp terre-neuvien 90/100 en 20 minutes.
-23-1-1917 3ème division de Tarnowsky (avec) interprète
-31-31917 Douglas Haig, maréchal (signature); H.Fanshaw major général
-10-7-17 D F Sucombe (dit M. Paille)
-10-1-1918. 2 américains de passage: Cap Hubert E.Alges et Arthur Hart.
-23-8-1918 . Nous étions à Sery. Antoinette en convalescence.
-25-9-1918 . De retour à Bus avec des anglais.
-7-10-1918 . Cap R E Arthur Robert.
-5-11-1918 . 7ème Somerset L.
-9-3-1919 . Pendant 3 mois, 12ème Rifle brigade Lt Col Breckow
Avant le 1-7-1916 le front était assez calme, mais les anglais préparaient une grosse attaque "the big push" pour dégager Verdun. Le maréchal Haig dont l'état major était au Val Vion, le corps d'armée à Mérieux, vint s'installer à Bus. D'énormes tanks, les premiers, étaient emmené à Raincheval. Le lieutenant Martin était devenu aviateur et cantonné à Clarfay. Il passait souvent très bas au dessus de la maison et on mettait une serviette sur la pelouse pour l'inviter à dîner. Le 1er juillet 1916 rentrant de vacances, on mettait des heures, 12 parfois, d'Amiens à Doulens, je suis allé coucher chez Hardi, près de la citadelle, dans des draps de chanvre qui grattaient terriblement.


Grand mère Léturgie.


La mère de ma mère Eugénie Léturgie que nous appelions Grand Mère d'Amiens était flamande née à Meterens! Et restait fidèle à sa province. Elle avait deux bonnes, deux soeurs, Sophie et Sidonie Mortelette qu'elle payait 30 francs par mois, petites, toutes les deux. Sophie était une excellente cuisinière, Sidonie femme de chambre qui dame et avec son "en cas" ou son ombrelle faisait penser à la reine Mary d'Angleterre.
Elle était bonne, mais sévère, surtout pour la propreté et nous pleurions lorsque nous devions, pour une naissance, passer quelque temps chez elle. Après avoir habité rue Boucher de Perthes une grande maison, après le général, elle s'était installée au 87 rue Lemerchier, grande porte, 2 étages, une véranda avec vitraux chauffée par un grand poêle appelé "phare".
Dans la salle, très sombre, éclairage au gaz: 3 tulipes sur une monture vert-foncé. Le salon sombre aussi était presque toujours fermé et les meubles couverts de housses, ouvert seulement pour "mon jour", le mur de la cour, exposé au midi, était couvert de jasmin qui embaumait. Une cuve recueillait l'eau de pluie pour la lessive. Le petit jardin aux murs couverts de lierre était séparé de la cour, pavée de grès, par une petite grille.
C'est après la mort de son mari, en 1888, Benoît Léturgie qu'elle vint à Amiens, près de son frère Henri Quenelle notaire à Nesle. Elle était fidèle à sa Flandre natale et faisait venir son beurre de Leberem. Elle avait deux filles: Marie ma mère et Berthe.
Sa santé était fragile, crises de foie; elle faisait des cures à Vichy et à Royat où elle rencontrait de grands personnages avec qui elle correspondait : Mlle de Reinkamph de la cour de Russie, des grands d'Espagne etc..

Le docteur trouvant son cas très sérieux lui conseilla de marier ses filles le plus tôt possible. C'est ainsi que Marie épouse Jean Bouthors., le frère de Thérèse son amie du Sacré Coeur. Les dots se convenaient, le reste aussi.

Elle nous fit faire de beaux voyages, surtout à Pierre et à moi, elle n'osait plus voyager seule. Nous vîmes la mer la première fois au Tréport, la ferme de la Madeleine, le château du comte de Paris, la forêt. Pierre tomba dans une petite mare couverte de feuilles mortes et fut trempé. Nous étions à l'hôtel, sur la place de la collégiale St Laurent et le 10 août fête du saint je fus ramené dans les bras de M. Permelier, tant il y avait d'eau sur la place. Nous allâmes aussi à Compiègne, Pierrefonds, Laon ou elle renvoya les oeufs à la cuisine car ils étaient sales.

A Liesse nous avons vu N D de la Salette et aussi le château de Marchais propriété du prince de Monaco. Nous avons pu visiter grâce à M. Delporterie d'Amiens qui était l'architecte du prince. Nous avons bu pour la première fois du champagne au buffet de la gare de Laon.
Grand mère avait un régime sévère, eau, viandes blanches, légumes. Elle était outrée parce que les ouvriers mineurs mangeaient disait-on... du poulet.
En 1909, ce fut mieux, elle nous mena en Suisse. Par Delle, Petite Croix, Pontarlier ce fut Lauzanne, au 3ème étage d'un magnifique hôtel donnant sur le lac, Evian et la dent du midi. Le petit déjeuner: croissants, chocolat, confiture était délicieux. On fit des promenades en bateaux à aubes sur le lac à Montreux, le château de Chillon, les rochers de Nayeen, train à crémaillère. A Martigny, nous étions près de Chamonix par le col de la Forclaz. Guillaume II voyageait sur le même bateau.
A Montreux il y eut une grosse tempête impressionnante de la salle à manger qui était au raz de l'eau sur pilotis. Les allemands se servaient des assiettes énormes.

En 1911, j'étais seul avec grand mère, nous sommes allés à Berne et Lucerne, toujours dans les grands hôtels. Nous sommes montés en funiculaire au Righi-Kubru; J'ai fait la dernière partie avec une petite luxembourgeoise, déjà rencontrée avant. Vue splendide sur les lacs. Nous sommes sur la route du Saint Gothard, jusqu'à Fhuclen le pays de Guillaume Tell. IL y avait des affiches partout pour se méfier des incendies, car soufflait le "foehn" vent desséchant. Par contre je n'ai pas pu la décider à faire l'ascension du "Pilate". Elle avait 70 ans.

Elle venait à Bus de temps en temps en voiture de louage, landau ou berline, à deux chevaux. Il fallait 3 heures au moins, que 1/4 heure pour le mur d'Allonville. Son cocher préféré était Niez qui portait de belles rouflaquettes. Il y avait à l'époque un octroi à Amiens sur le pont Lemerchier, il faisait noir et grand mère dit qu'elle n'avait rien à déclarer or...elle avait un poulet sur les genoux.
Elle avait une excellente cave : Richebourg, Pontet Corvet 74, haut Sauterne, Banyuls, etc, achetés chez Cuvelier à Haubourdin. Ses visiteurs en profitaient. Lorsque nous sommes arrivés à Amiens en 1929 elle nous offrait souvent une bouteille pour le moindre service. Son vin fut transporté au 51 rue Causette et supporta bien le voyage. Elle est morte d'une congestion pulmonaire à 87 ans en janvier 1933. Sa veilleuse de nuit est morte avant elle. On l'a trouvée contre la porte de sa chambre.

Mes chevaux de selle.

A 5 ans, j'étais déjà monté sur des chevaux de culture, à califourchon me tenant au haut du collier, Odile Mathieu étant assis en travers derrière moi. Papa acheta un petit poney espagnol (Ménélite I), entier, d'environ 1m10. Je ne pouvais tomber de haut! noir, il avait un chignon et une crinière touffus. Après on lui coupa ras à la tondeuse. Il trottait, galopait bien et parfois se cabrait. Je ne suis jamais tombé. quand j'ai eu 7 ans, je l'ai présenté à un marchand dans la le long de la maison des Ibled à Mondicourt : c'était Ménélite I.
Papa acheta un Tarbais plus grand et un peu vicieux qui se frottait contre les murs si le cavalier était trop lourd. Il ne suait jamais même lorsqu'il a porté les bulletins de vote dans toutes les communes du canton. L'oncle Alexandre me promit une forte somme si je venais à Beauquesne (100 francs peut être) et je gagnais le pari.
Il s'emballait de temps en temps. Au bois de Fey(?) je le faisais tourner à toute allure entre les moyettes pour le calmer. Pendant la moisson, j'étais sur lui derrière le chariot qui allait au bois de la Fey, il prit le galop et culbuta dans le cassis devant l'école. En se relevant il mit son pied ferré à neuf sur ma cuisse et j'eus une blessure de 25 cm qu'on me soigna à l'eau oxygénée et guérit.

Après j'étais à St Joseph, il y eut un alezan Sultan et je montais moins. On est parti avec lui à la charrette en 1914

Un dragon, Lt Gilles, voulut apprendre à René sur un cheval qui trottait très sec et au tape- cul. Il fut dégoûté du cheval sauf au pas et au galop. Papa acheta Darling 1.200 francs à l'armée anglaise excellente jument d'origine pur sang. Papa l'a essayée avec une bride et une gourmette bien serrée. Elle se débattit et voulut enlever sa bride en la frottant par terre. J'ai proposé à papa de l'essayer avec un bridon et elle ne fit plus de difficultés. Elle avait la bouche tendre et elle obéissait bien. Son galop était très souple et agréable. Elle avait beaucoup de résistance. Je suis allé à Doulens à 18 km presque tout au trot, chercher des scies de moissonneuses. La boite était lourde et les chocs répétés. J'eus la peau de la cuisse à vif.
En 1918 elle nous mena à Sery. On faisait de magnifiques ballades en forêt d'Eu où l'on voyait des chevreuils qui nous suivaient à distance. On cueillait des framboises aux framboisiers géants, à cheval on y arrivait, vers le poteau Maître Jean. Marie Thérèse Charruey m'accompagnait en amazone. Nous avions du succès auprès des anglais des cantines et j'ai ramené bien du tabac à Versailles. Tante Marie Louise montait aussi, on faisait des galops dans l'allée du bois de Bouillancourt et du château d'Anserme où était le comte de Paris.

De retour à Bus, papa acheta aux anglais un canadien "Souvenir"qui sautait fort bien,mais il était paresseux; avec des éperons il marchait. Il y avait aussi une jument anglaise "Darkir"avec des pattes poilues qui trottait en souplesse. Un jour à Famechon, elle a tourné sans prévenir par le chemin du moulin. Les gens l'ont aussi reconnue à Sery. Darling eut ses chaleurs et je l'ai conduite aux haras où elle fut saillie par "Jarville",un trotteur normand. Il a fallu s'y reprendre plusieurs fois.
De là naquit "Vainqueur" alezan à trois balzanes, le cheval que j'ai le plus monté. Je retrouvais Bernard Gosselin qui avait un trotteur et René Ibled un trotteur, cornard, qui venait de Lisieux. Nous nous rejoignons au bois saint Pierre à Pas.
J'y allais par saint Leger. Nous faisions de vraies courses au trot à Mondicourt sur le bord de la route nationale qui était très bon. Avec Bernard Gosselin nous faisions aussi des courses au galop dans la pâture du chemin de Coigneux, "Vainqueur" était nettement plus rapide. Darling saillie aux haras de Doulens eut une pouliche "Gazelle". Elle avait un oeil un peu inquiétant et les anglais nous ont dit qu'il fallait la prendre toute jeune. On lui prenait les pieds, la caressait montait même sur son dos. On réussit à l' atteler mais un jour, au piquet sur la pelouse de la maison, a-t-elle été piquée? elle se débattit, arracha le piquet et la chaîne, partit à la charge, sauta „le saut du loup“ et s'élança dans la percée; arrivée au bout, le chemin d'Authie est en contrebas, elle voulut sauter mais s'empala sur le piquet de coin.

Ma dernière monture, après mon mariage, fut "Kabile" un 1/4 de sang, venant du Val Vion mais très allant. J'ai fait de bonnes promenades dans le bois, très tôt le matin, lorsque nous venions à Bus. Antoine le montait aussi. Il a devancé l'appel pour aller dans la cavalerie. Au bout de 4 jours on l'a envoyé dans les motorisés. A la guerre de 39, il était Ml des logis,dans les hussards avec un sabre pour arrêter les tanks!
Des officiers étaient venus à Bus pour la remonte des chevaux et logeaient à la maison. Je leur ai présenté (Lt Berthe) les chevaux de selle du village. Lorsque je suis arrivé à Vincennes pour faire mon service, la sentinelle m'a dit que le Lt Simon me demandait. Connais pas; lui te connais. Le Lt Berthe était son ami. Je fus donc versé à la remonte, où l'on débourrait les chevaux. J'ai ainsi dressé entre autre "Archer" qui est devenu cheval du général. "Indépendante" était une comédienne, blessée au garrot par un éclat d'obus; il était difficile de faire un tour de manège en restant sur son dos. J'en ai fait deux. Attelée elle était encore plus méchante, elle s'est cassé les dents. On a du la tuer. J'ai eu un cheval "Carnaval" 1m70, pas commode pour faire "à terre à cheval" comme le demandait le gros adjudant Lemoine. L'autre adjudant n'était pas très malin. On lui a fait croire que son cheval préféré avait la patte cassée, grâce à un bandage sérieux. J'ai monté "Générale" assez difficile, elle m'a fait des pirouettes, sur le champs de manoeuvre et m'a ramené au quartier, à travers les spahis qui faisaient une fantasia dans l'autre sens. Pour les manoeuvres on m'a attribué une petite jument "Quine"qui avait une tendance à prendre le mors aux dents. Nous allions à Fontainebleau et avions passé la nuit à Lieusaint. Vol de poires, cabarets consignés. Quine trottinait tout le temps, c'était assommant. A Meulun le lieutenant me fit partir seul avec le Bg Rossi monté sur "Pharaon" un trotteur impatient aussi. Nous avons gagné Fontainebleau en un temps record mais le lendemain ma jument avait un boulet énorme.

Souvenir était très difficile à ferrer. Le maréchal de St Léger acceptait encore de le faire. Un jour on le mit dans un "travail" et comme il se débattait et ruait,la chaîne le blessa aux fesses. Parti avec la charrette je suis allé à Doulens. A midi aux "quatre fils Aymond" il ne voulut ni boire ni manger. Au retour j'allais prendre du "rebulet" pour les cochons. Le chemin était raide en descendant du moulin. Le reculement lui fit mal et il rua terriblement pulvérisant le devant de la voiture en petits morceaux dans ma figure. Je suis descendu par le derrière. Mais avant d'arriver à Bus il rua encore et détacha les traits. J'arrivais à le dételer et j'ai laissé la voiture et le harnais et je suis monté dessus en le frappant avec les rênes.
A Bus, je suis allé rechercher la voiture avec "Jolie". On l'a encore ferré en le couchant sur le fumier, mais de guerre las on l'a vendu pour la boucherie.

La vie à Bus


Mariés le 24 octobre 1893, mes parents s'installèrent dans la maison de Beauquesne achetée par les grands parents Auguste Bouthors. et Arsène Brouilly. Ils firent un long voyage de noces, un bon mois où les parents visités rendaient un grand dîner en remerciement du dîner de noces. (Fontaine le Dijon chez les Leon I., gastronomes).
La famille s'agrandit vite et régulièrement. Papa était faiblement rémunéré (un cheval "Fille de l'air " le lait et les légumes) et l'oncle Joseph pouvait prendre la gestion du Val Vion. Il décida d'acheter une propriété et ils envisagèrent La Haye près de Bayencourt, plaine d'engrais, reprise plus tard par les Delory élèves de saint Joseph à Arras, Ebart jolie mais sans terres et enfin Bus à la mort de monsieur de Nampty en 1898.
Ils vécurent d'abord en châtelains, car les terres étaient louées. Ils furent d'ailleurs mal vus en les reprenant. "Fouet de Bouthors Jean tu n'auras plus mes camps" disait la propagande électorale. Papa avait une excellente jument "Sagitta" et il allait souvent à cheval ou en charrette à Vauchelles,au Val Vion, à Mondicourt. Ils visitaient aussi leurs voisins: de Witasse à Acheux, de Bersaucourt à Louvencourt, Bienaimé à Toutencourt, Burgeat à Belle-Eglise. Il chassait beaucoup avec le garde Victor Doux, à la botte ou au pour éviter les dégâts de lapins.

Le château manquait de confort; pas d'eau au robinet, pas d'électricité, pas de téléphone, pas de radio ni de télévision. On allait chercher l'eau potable au puits prés de l'école-mairie à 45 mètres de profondeur avec un treuil à main et une "seille" portée à 2 avec une barre de bois (selle?), eau peu claire et appétissante. Pour le reste une citerne prés de la buanderie amassait l'eau de pluie. Une pompe à main dans l'arrière cuisine, une pompe à balancier à la buanderie où l'on faisait la lessive tous les six mois du temps de Mr de Nampty , une grosse chaudière en cuivre et des baquets.
La salle de bains était à la cave!, avec chaudière en cuivre, à bois, une baignoire en zinc avec des robinets à têtes de cygne.

Il y avait à la cave aussi dans la partie sud, près de la chapelle, le chauffage à air chaud, chauffé aux grains maigres d'Anzin. Il fallait remplir un grand sceau que l'on versait par le dessus, grâce à un fond mobile, en montant sur un escabeau.
Il y avait de belles chasses en battues: lapins, lièvres, bécasses, ramiers. Iréné le jardinier qui avait fait la guerre en Cochinchine ramassait les lapins dans un petit tombereau avec le poney. On faisait le tableau sur la pelouse. Peut être 50 ou 60 lapins, jamais de chevreuil.
On furetait aussi, surtout au près Lambert et on coltait quelquefois pendant des heures. On enfumait aussi les renards et les blaireaux. Je montais sur les ronciers et les secouais pour faire partir les lapins qui s'y cachaient souvent.

Malheureusement ces premières années furent tout de suite attristées par le décès du petit Bernard, en 1898, d'une broncho- pneumonie. Maman avait reconduit grand-mère Bouthors., venue aux nouvelles, jusqu'à sa voiture. Remontée à sa chambre aussitôt, elle le trouva mort. Puis plus terrible encore, fut la mort de Gabrielle, noyée dans la mare à 8 ans en septembre 1902. Papa, parti faire une période militaire, n'était pas là.
La culture débuta progressivement avec deux chevaux "Stella" mayennaise noire qui mordait bien un peu et "Jolie" boulonnaise noire assez vive qui trottait bien. Le cheval de voiture était "Untel" un beau bai cerise, un peu peureux.

La culture de 1900 à 191

On n'avait que des chevaux et des instruments assez rudimentaires : herses, binots, extirpeurs, charrue qu'il fallait soulever en bout de champs, appelées "fourrières". On vit apparaître le "brabant" réversible. La moisson se faisait à la faux "dard"; les femmes formaient des "javelles" avec deux javelles on faisait une botte qu'on liait avec un lien de seigle en le tordant avec un bout de bois "une grille"et le repassant en dessous pour le maintenir serré. Les bottes étaient lourdes surtout lorsqu'il y avait de l'herbe dans le pied. On les disposaient en "dizeaux" de dix bottes couvertes de deux ou trois bottes, contre la pluie. Lorsque les bottes étaient sèches, on les enlevait avec des chariots pour les rentrer dans les granges par des lucarnes peu larges et il fallait plusieurs personnes à plusieurs étages pour remplir la grande grange, haute, longue et étroite. On se servait de fourches à 2 dents plus ou moins longues selon les possibilités.

Dans l'aire de la grange on battait le seigle, en cadence, avec des "fléaux": un cylindre de bois relié à un manche par des courroies formant anneaux.
En peignant on obtenait le "gli" bien régulier; avec 2 glis reliés par un bout,on obtenait un lien ou "loyeu".
Pour le foin, après fauchage, on formait de petits "cahots" en forme de cônes, après quelques jours, on prenait 2 cahots pour faire une botte. On faisait surtout du trèfle et de la luzerne.


L'ouverture de la chasse au bois

à Nielle

Georges et Colette Quinson de la Hennerie recevaient d'une façon charmante pour l'ouverture qui se faisait début novembre. On s'y rendait avec empressement.
Les circonstances atmosphériques étaient très variables, parfois temps splendide ensoleillé, parfois du verglas, parfois de la tempête et des averses où l'on croyait recevoir la mer tant elles étaient formidables. On était trempé en cinq minutes et il fallait emporter de quoi se changer pour le dîner du soir. Parfois il y avait beaucoup de brouillard et de bécasses. Andrée m'accompagnait souvent et nous passions par Beaurepaire pour faire la route avec les Antoine, par Saint Pol, Fruges, Fauquembergue et Nielles, les collines du boulonnais.
Nielles est un joli petit village niché dans la vallée du Bléquin, à mi côte au nord une belle église avec un clocher en pierre, à côté la demeure de Quinson avec un joli parc et de Nielles. Il y avait pas mal de bécasses par temps de brouillard.
On partait en chasse vers 11 heures en passant par le parc et la gare. On grimpait se placer dans les layons qui suivaient des lignes de niveaux et d'autres les lignes de plus grande pente. On entourait des rectangles successifs et les traqueurs étaient guidés par Jacques et Antoine aidés de leurs chiens qui débusquaient lapins et lièvres.
Georges dirigeait la chasse à la trompe et il n'y eut pas d'accidents bien que la pente rendait la chasse dangereuse surtout pour les chasseurs du bas de la traque. Les traqueurs criaient: tia, tia, tia..
Vers 1 heure, on mangeait un sandwich et du café et des pommes, à la colonne avec sa statue de la vierge et une jolie vue sur Nielles.
Après on gagnait la ferme du haut du bois en auto et on y fit le casse croûte; c'était beaucoup moins fatigant. On terminait la chasse par le parc et il faisait assez sombre et c'est ainsi que René (qui avait un zona à l'oeil) en tirant un lièvre flingua le vieux garde dans les fesses. La blessure se termina bien quoique le garde eut un teint très coloré. René en fut très frappé.

On faisait le tableau et les lots dans le pavillon en face de la maison. Une fois Bernard Gosselin qui avait tué 4 ou 5 bécasses n'en eut pas dans son lot. Il était très dépité car lorsqu'il y en a peu elle va au tireur. J'ai vu jusqu'à 9 bécasses devant moi. Je n'ai tiré qu'un chevreuil que j'ai manqué sur la ligne de chemin de fer, trop loin.
Tout le monde allait se changer pour le dîner dans la grande salle avec sa grande cheminée de marbre et ses blasons. (La cuisine était garnie de blasons en faïence de Dèvres).
Le dîner toujours excellent, bien arrosé (on ne parlait pas du ballon) et très gai. On passait au salon où l'on disait de bonnes histoires, surtout Mr Millon que je mettais en route avec les miennes.
Les retours parfois pénibles. On partait vers 11 heures du soir bien réchauffés et excités.
Par un brouillard intense, Bernard G., Louis H. et moi partîmes pour Ribécourt pour la battue du lendemain au bois Couillet. On se suivait à trois voitures, ne voyant presque rien. J'étais le dernier, c'était plus facile. Cependant à 2 heures du matin nous nous sommes arrêtés un quart d'heure devant la gare d'Arras pour nous reposer les yeux et les épaules douloureuses. Après Cambrai nous sommes arrêtés par des douaniers qui se précipitent sur moi avec leurs mitraillettes. J'ai du montrer mes papiers et mon fusil qui portait la marque "Belgique". Enfin ils me laissent repartir mais les autres étaient partis sans m'attendre. La route bordait le canal et le brouillard terrible. Ils m'ont attendu et je les ai enfin rejoints.

Une autre fois c'était le verglas et nous avons monté péniblement la côte de Fauquembergue longue et forte. La route heureusement sablée.
Une autre fois avec Andrée, le brouillard était si fort que nous ne devinions la route que par les grands arbres bordant la route vers Nuncq. Des chariots de betterave étaient arrêtés au bord de la route. Une autre fois je n'avais plus assez d'essence et nous trouvions les pompes fermées. A Doulens j'ai réveillé Neuville qui m'en a donnée et m'a indiqué une pompe ouverte au pont de l'Authie. Elle n'en avait plus et il y avait des romanichels. Enfin, nous avons pu gagner Beaurepaire, ouf.


Mes fusils


1919-Fusil de Mr R. à chiens, à percussion centrale, jaspé, calibre 16. Beaucoup de gibier, 1ère ouverture après la guerre. Je ne rentre aux Mines qu'en novembre. Très bon groupement: 5 perdrix en 2 coups au plan du château. 5 perdrix en battue au chemin de Coin près d'un silo pour Mr Haulin malgré un bandeau sur l'oeil.
1920-J'ai acheté chez une femme armurier rue le Belleu à Douai un 20 mauvais groupement malgré une feuille de garantie.
1929-Après essai à la plaque au stand Boudier à Amiens je l'ai changé contre un 20, superposé, Patrick à canons séparés. Il me va très bien. Doublé à Beaucamps dès le début. Bon en battue. Volé par Lecomte à Montagne en 1940, laissé près de la cheminée avec chevrotines contre les parachutistes!!
1945-J'ai racheté le fusil de Timy parti au Liban. C'était un très beau superposé calibre 16 à éjecteur automatique, avec culasse en acier gravée, très bien équilibré. J'ai très bien tiré avec.
1980-Je l'ai donné à Michel, ne chassant plus. En 1972 j'ai fait 10 perdrix en battue à Foufflin, presque toutes du 1er coup (1/2 du tableau). Ce fusil avait été caché sur une poutre de la tour de la Rochette pendant la guerre.

Chasse au sanglier

1919- Je n'ai tiré et tué qu'un sanglier. L'hiver 1919 il y avait des passages de sangliers venant des Ardennes. Avec les chasseurs du village certains pas rassurés, d'autres maladroits (Mr Joly) on faisait des battues. C'est ainsi que par la neige j'ai tué mon sanglier, 60 kg environ, qui fonçait sur moi au haut du rideau du fond de la Martante. Gaston Molliens était à ma gauche, à découvert et l'on m'avait dit de ne pas tirer dans la tête par crainte des ricochets des chevrotines. A 20 mètres il a obliqué vers la gauche et je l'ai tiré au défaut de l'épaule. Il a culbuté comme un lapin, mais il s'est redressé fonçant sur moi; je lui ai envoyé mon second coup en plein coeur à 2 mètres ; (voir photo avec Agnès).

A cheval sur Vainqueur j'en ai levé une bande dans la neige près des tranchées du bois d'Authieu et l'ai chassée vers Bus et suis parti prévenir les chasseurs, Carette en a tué un, papa en a tiré un aussi. Ayant contourné le bois je les avais empêché de partir vers Coigneux.
Je n'en ai plus tiré d'autre bien qu'invité à des chasses où il y en avait. Vu un gros au bois de Contay, Mr de Witasse m'a dit de ne pas tirer à cause des traqueurs; Au bois du Warembaumont et à Taisnil il y en avait souvent (rien tiré à la place à cochons).
Marcel Bouillet en a fait un doublé plus un troisième bloqué contre le grillage vers Beaulieu. Avec Vagniez nous en avons vu un gros mais ne pouvions tirer à cause des chasseurs en fin de traque, au bois d'Ailly on en vu plusieurs fois et tué quelques uns. A Carnoy Edmond allant aux ramiers a vu un sanglier dans le petit bois. Il est allé chez lui chercher des balles et l'a tué. Nous avons mangé le foie, délicieux.


Chasse au chevreuil

A Bus, on voyait quelque fois des jeunes sur la pelouse dans le parc au printemps, mais on n'en n'a jamais vu pendant la chasse. J'ai manqué mon 1er en cul au bois de Contay, un autre à Nielles à la ligne de chemin de fer, un au bois d'Ailly (mon dernier).
J'en ai tué 2 au Warembeaumont dont un en doublé avec une bécasse, assis et bourrant ma pipe!
J'ai tué un beau brocard au bois d'Ailly (mon dernier); au total: 3 tués, 3 manqués.

Nos autos

Novembre 1924, retour de voyage de noces nous avons acheté 1200 francs une Citroën sport torpédo au magasin d'exposition Citroën avenue des champs Elysée. En voiture découverte, Andrée coiffée de ses aigrettes nous sommes partis pour Château Thierry N'ayant pas conduit depuis mon permis en 1920, je me suis fait conduire jusqu'à Pantin.
Phares électriques, trompe à main,démarrage à main, pas de chauffage. Il faisait frisquet. Démarrage en côte à Château Thierry, Renée C. nous a appris, cale en bois. L'hiver par la gelée je garais chez Vanherdrick et vidais mon radiateur. Avec Andrée elles sont parties à la gare sans eau à la gare, la voiture a chauffé.
Elle marchait bien mais à grande vitesse 70 Km à l'heure les ressorts de soupape cassaient souvent. J'en emportais avec du fil de fer et arrivais à réparer à Bézu à notre départ pour Beauquesne. Après le déjeuner nous nous sommes endormis dans le salon. (J'avais joué 169 jeux de tennis à Soisson, aller et retour Château Thiery à minuit,départ à 8h du matin). Nous fîmes bien des voyages à Lille, routes pavées de Mons en Pélevé et Douai chez les Mamet et Tierny. Enfin en 1926 nous avons eu un accident à Faches-Wattignies et Andrée a eu le nez coupé par des éclats de pare-brise alors encore en verre. Heureusement un Mr Remy nous a conduit à la clinique à 50 mètres et on a recousu Andrée et fait des points de suture. Antoinette Marthner et moi nous n' avions rien eu. Après notre culbute , sur le moment,on ne trouvait plus Antoinette..

La priorité venait de changer et j'ai refusé la priorité à une GM venant de la droite qui a accéléré au lieu de freiner. J'ai essayé de l'éviter mais elle m'a poussé jusqu'au trottoir d'où la culbute. Pas très abîmée je l'ai vendue à un garagiste d'Hénin-Liétard qui m'a fourni une B12 pas fameuse, torpédo quatre places décapotable. Nous sommes allés en Bretagne avec papa et maman: Mortain, Fougére,...retour par Embleuteuse.
Un jour en revenanttde Bus nous avons coulé une bielle au bac du sud et pris le train pour Arras, couché chez tante Thérèse.
En 1928, j'ai acheté une B14 marron limousine avec malle arrière et un frein Westinghouse presque trop puissant. Nous l'avions rue Dhavernas à la mort de père (5 août 1933) puis rue de la liberté. En 1929 venant à Amiens pour chercher un logement, nous avons dérapé sur le verglas à la Bellevue route bombée

La 11 normale Citroën 1472 XP 4

Après avoir eu une 7cv trop petite avec un coffre ne s'ouvrant que de l'intérieur, nous avons acheté par Aubert et Martelet rue Leprince la 11 normale du pharmacien Bouchez pour 15000 francs, elle avait 15000 km et son fils voulait une 15cv, mais pas son père. Il reprit une 11 normale, avec chauffage (un simple tube amenant l'air chaud du radiateur).
Nous avons mis un fixe au toit à ventouses qui bougeait un peu et que j'ai fait renforcé par des tendeurs à vis sur les gouttières. Nous pouvions ainsi avoir un gros ballot pour le camping, protégé par un tapis de sol.
Je l'ai revendu 150000 francs après la guerre à un cultivateur de Saint Riquier.
C'est avec elle que je suis allé chercher Agnès à Couin, par un fort orage, deux jours avant la naissance d'Yvon. Celui ci avait 2 jours quand nous avons été avisés d'évacuer au plus vite. J'ai pu avoir de l'essence chez Ternisien à Moliens-Vidame., par Abancourt, Pont de l'arche (avion au dessus du pont), nous avons pu gagner Le Neubourg où on a soigné Agnès à l'hôpital. Nous avons été bien reçus par les habitants pour la nuit. Il y avait des anglais qui ont donné des pièces de monnaie à René qui avait su dire les couleurs en anglais: yellow, purple etc... Nous avons retrouvé les Raviart à St Aubin. Béatrix conduisait la B2 de Bus achetée peu avant. Ceci valut une belle claque à Jean, à Camps en Amienois, qui avait empêché d'aller dans le fossé dans un virage près de Lyons la forêt où nous avions les I. et Lefèvre.

On nous a loué une villa Ozanam, assez cher. On a voulu rappeler les hommes même ceux libérés comme moi de toute obligation militaire. J'étais désespéré d'être séparé des miens. Nous étions convoqués à la préfecture de Caen, debout, des heures par une chaleur torride. Le docteur Boutin d'Argenton m'a envoyé un télégramme disant que j'avais une place à l'usine Gnome et Rhône en construction. Nous avons gagné Mayenne où j'ai crevé. Cela a été très dur car la voiture était très chargée. Nous avons couché au bord de la Loire. Les vitesses sautaient de 3ème en 2ème dés que j'accélérais et j'ai du conduire d'une main l'autre tenant le levier de vitesses. Enfin Argenton. Au garage ils m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas s'en occuper mais qu'il fallait changer le "synchromesch" que je trouverai à Châteauroux où je suis allé. Au retour ils m'ont donné des clefs et indiqué ce qu'il fallait faire. Accompagné de Jean j'y suis arrivé. On voyait les avions italiens qui bombardaient la ville ouverte. On voyait les ombres des avions au dessus du garage. On a gagné "La ville aux geais" à 10 Km.

L'armistice est arrivée. Après le 15 août 1940 nous avons pu repartir pour Amiens, passer la ligne de démarcation à St Aignan et coucher à Bonneval.
Pendant la drôle de guerre, avant le 10 mai 1940, les ailes étaient peintes en blanc et les phares munis de capot , avec fente horizontale.
Nous avons passés la Seine sur un pont de bateaux à Bonnières, usine Singer. A Poix nous avons vu les premières démolitions. A Montagne nous sommes arrivés au moment où les allemands venaient déménager notre mobilier. Il était moins une.
Nommé agent à Abbeville, je n'avais pas de laisser passer pour passer la ligne de la Somme. j'ai laissé la voiture sur la rive gauche chez Crépin, et nous avons passé à pied la passerelle des six moulins et avons gagné la maison Trancart au "petit marais". Ils nous ont reçus très aimablement et loué la petite maison Trancart tout près. J'avais changé le moteur pour 47000 francs avant 39. Lorsqu'on m'a supprimé mon SP à Amiens, je l'ai cachée sous un tas de vielles motos chez Passet à St Acheul.
Je l'ai revendue à un cultivateur de St Riquier et remplacée par la Frégate

Frégate amiral 525 BN 8

Citroën ne faisant toujours que le même modèle et la même couleur (noire) je me suis décidé pour une Renault. Avant elles avaient un mauvais freinage.
La frégate, modèle luxe amiral, gris bleu avec pneus flancs blancs était très jolie et spacieuse pour la famille et le camping. Françoise-Pierre venue l'essayer était en admiration lorsqu'on l'apercevait dans les vitrines des magasins. Avec le fixe au toit nous avions un gros ballot avec le matériel de camping.
Elle nous mena à Biarritz, chambre d'amour, Santander, Sarragosse, la côte, le Perthus, Vasperviller, Munich, Saltzbourg, lac d'Unterrech avec les Jean, Innsbruck, le Brenner, col de l'Arlberg (le moteur a chauffé), Linstenstein, Feldkirk, la Suisse, chutes du Rhin, chez les Verlaine au Lavendou, camp du domaine, Des aviateurs canadiens nous ont vendu des vestes de cuir, en Kangourou(?), au Luc. Ils venaient d'être démobilisés à Salon et voulaient de l'argent pour aller à Monte-Carlo.

Nous avons du changer de compteur à 85000 Km; Geudet ayant fait la vidange du moteur entartré, n'a pas remis d'eau et nous avons chauffé à Sains et il a fallu changer le moteur à Beauval chez Binelli en revenant de la pêche à Authieule , à 200000 Km elle n'avait jamais usé d'huile entre les vidanges. J'ai eu des ennuis de soupapes en montant la côte des gorges de l'Ardèche. Mal réparée à Billom, j'ai du m'arrêter entre Clermont et Moulin. Instantanément le mécanicien a trouvé la panne de culbuteur et les a réglés; Il a essayé la voiture à 120 Kh devant les gendarmes et nous.
Gueudet me l'a reprise 75000 francs pour acheter une R 10, beaucoup moins coûteuse en pneus et essence. A l'essai avec Geudet au bois d'Allonville, elle faisait 140 Kh sur la route en tôle ondulée. J'appréciais beaucoup l'accoudoir central. Très bonne tenue de route. En campant en forêt de Fontainebleau à Barbizon René en reculant lui a fait un gnon à l'aile avant droite

R 10

Grise métallisée , à moteur arrière, coffre à l'avant grand et plat où je pouvais mettre en diagonale mes deux canes à mouche repliées. Très légère à conduire, mais sensible au vent latéral.
Très nerveuse, elle démarrait sur las chapeaux de roues aux feux verts, montait très bien les côtes sans chauffer: Petit St Bernard, col de l'iseran 2300 m, tunnel du mont Blanc, Courchevel. Avec Marcel D. en allant au ....... nous avons atteint 150 Kh vers Issoire. Un peu plus loin virage dangereux à 40 Kh, j'ai freiné à mort et tout s'est bien passé; montée du Lioran à 100 Kh. Elle a fait l'Italie, lacs majeur et d'Iseo, par Ivrea. Dominique et Michel sont allés à Andorre, Mont Louis, Cannes et les Contamines: 7.000 Km en 8 jours.
A 138000 Km sans révision , dynamo fichue. Revendue 75000 f elle a été revendue 150000 f le lendemain par Gueudet

R 5 TL: 8443 QM 8

Traction avant, marron métallisée, ceintures à enrouleurs, protection contre la rouille, elle a été payée environ 2 millions de centimes en 1975 et revendue 800000 f à Jojo pour Hélène. En 80 elle avait 35000 KM. Elle nous servait surtout pour aller à Beaune, la Garde, Oisemont, Abbeville, Bus.
La banquette arrière se baissait et faisait un grand coffre accessible par la porte arrière. C'était très pratique lorsque nous partions pour 2 mois à La Garde: batterie de cuisine etc..
Comme ennuis je n'ai eu qu'un cardan à remplacer ayant forcé dans une ornière dans le mauvais chemin de La Garde.
Par ailleurs, on m'a volé ma roue de secours neuve qui ne m'a jamais servie. Est-ce au garage, à Beaune, à Digoin, à La Garde??

Nos bicyclettes

La première que je connus fut celle de papa, une "Stock" d'Hurtin à Albert; Elle était très grande et très lourde (15 kg) à pignon fixe, un seul développement (7m20) un seul frein à patin de caoutchouc sur la roue avant. Aussi quand on freinait trop brutalement on faisait la culbute par dessus le guidon; Nous ne pouvions monter dessus que sans selle et avec un coussin sur le cadre; Pierre le plus grand arrivait à s'en servir.
J'ai connu le "grand bi" chez Mr Bourgeois à Authie. Il y en avait deux, l'un de 1m50 avec bandage en fer, l'autre avec une roue de 2m avec bandage en caoutchouc plein; Nous en faisions dans la rue du village. Il fallait monter sur une borne pour arriver sur la selle ou gravir les marchepieds en courant, c'était difficile pour s'arrêter aussi; Il n'y avait pas de chaîne, on actionnait directement la roue avec les pédales.
-1910. J'eus ma première bicyclette en récompense pour une très bonne 6ème à St Joseph. C'était une "Rolland" sous marque de Heurtin à Albert achetée 315 francs chez Choquet à Arquèves.
-1921. Aux mines, à Paris, j'avais un demi-course orange Thomann avec lequel j'allais le soir ou le dimanche jouer au tennis au Stade français à Saint Cloud.En en revenant boulevard des Invalides j,ai dérapé sur la chaussée mouillée et suis tombé. Un taxi qui me suivait m'évita de justesse et il me passa quand même sur mes cheveux; je l'avais échappé belle.
Pendant les vacances avec Marcel, nous avons refait le chemin de l'évacuation de 1914 en Normandie par le Val Vion, Citernes, Sery, Neufchâtel, Rouen, Bourgtheroulde (fête), coucher à la belle étoile , Brionne, Lisieux, St Julien le Faucon, St Pierre sur Dive et Louvagny. Nous avons retrouvé les de Postel et leurs enfants Alexandre, Henri et Marie Louise qui mourra au Carmel de Lisieux.
Après mon mariage , j'ai acheté à Château Thiery mon vélo course bleu à jantes en bois et boyaux, un vélo rouge pour Jean et un petit vélo vert pour Pierre. Nous avons fait beaucoup de promenades autour de Ch Thiery avec les Vellard et les Rolet. Par la femme d'Elie, Madeleine , nous avons eu une bicyclette à catène, sans chaîne, transmission par pignons d'engrenages coniques.

Dans le grenier au dessus de la cuisine nous la mettions à la renverse et faisions tourner notre dynamo jouet au moyen d'une ficelle passant sur la jante dépourvue de pneu. Avec des ampoules de lampes de poche , un interrupteur et une ligne téléphonique nous communiquions en morse avec la maison en planche, dans les arbres, à l'entrée de la cour à bois. Béatrix a acheté un vélo 2f à une polonaise (en état de marche?). A Château Thiery, j'ai même fait faire 100 km à Pierre avec son petit vélo vert. Nous avons déjeuné en plein air et Pierre était très malheureux car il y avait beaucoup de guêpes. Trop fatigué, j'ai du le pousser à la fin et le lendemain il fut souffrant.

Camping

-1935. Un an avant 1936, les congés payés, nous avons acheté aux Nouvelles Galeries une petite tante canadienne très légère, à double toit, deux mats en bambou, tenant peu de place; une petite ménagère en aluminium forme diabolo contenant un réchaud à alcool ou au méta, deux casseroles à manches amovibles, deux matelas pneu gonflables à la bouche ou avec un petit gonfleur à main et trois duvets. Une valise en alu pour mettre l'indispensable pour la cuisine et les repas.
A la pentecôte, nous avons fait un essai. (Bernard, Andrée, Jean, Nenette et Pierre). Notre première nuit nous avons dormi, plus ou moins bien, dans un bois près de N D de la Grâce à Honfleur. De là, nous avons gagné St Nicolas de la Haye, chez Mr Candelier que papa avait bien connu à Lillebonne, mais il était chez Mr Foydimare, boucher au Havre son parent. Nous avons installé notre tente dans un triangle de gazon entre les pâtures entourées de ronces. Le lendemain matin, nous avons été très étonnés d'être près de vaches et d'un ..taureau. Deux couchaient dans la voiture 7 CV.

Camping 1948

A 7, Andrée, Bernard, Pierre reçu à l'X, Marcel reçu en philo, René, Béatrix et Michel 2 ans et demi. Monique restée à Valloires (coqueluche) et son manteau de fourrure blanc.
Samedi 24-7-48 départ 10 h 1/2.
Campé à Fontainebleau à l'hippodrome de la Salle, maison forestière, par Compiègne, Crépy, Meaux, Melun.
Le 25-7-48 messe à Fontainebleau, nous avons visité parc et château, la promenade dans les rochers, la roche branlante, la fontaine sanguinède. Au clair de lune, avions de nombreuses chèvres.
Le 26-7-48 par Montargis, La Charité, Nevers, Moulins, nous avons campé à la sortie de Ste Yorre (pré ou pacage).
Le 27-7-48 visite de Thiers, couteau à 100 lames, belle vue. Nous avons campé à la Garde sous les tilleuls. Pierre reste à la Garde.
Le 28-7-48, le mercredi, départ à 15 H vers le Puy, bain dans la Dore, fourmis), visite de La Chaise Dieu, belle montée dans les sapins. A Sambadel, nous avons campé dans une forêt de sapins, villas suédoises et belle église à St Paulin.
Le 29-7-48, Le Puy chez les Piot. (8 rue Crozatier et 13 rue de la rouzade) avec Monique, Anne, François, Béatrice. Visité la cathédrale, la chapelle des pénitents (on n'accepte pas 5 f), monté à la Vierge après la pluie à 16 h, visité le cloître, dîné chez tante Germaine, couché à l'hôtel du Parc 300 f, chambre à 2 grands lits et garage, visité le beau parc, belle montée dans les sapins à Fix.
Le 30-7-48. Il y avait la foire à St Georges, beaucoup de monde qui ne bouge pas. Vieux pont de Villefranche d'Allier, montée très dure sur "la Rochette": un rocher dangereux et le tournant des boeufs très dur, en 1ère, tous étaient descendus sauf Michel et moi. Nous avons couché au dessus de la salle, Marcel et René dans la tour, à côté du salon; vu le terrier de 1784.
Le 31-7-48; Départ à 9h pour "Salesse", par Brioude, les gorges de l'Allagnon, Murat, Le Lioran, pique nique dans les sapins, Aurillac, à Noucelles visite à Raoul Léturgie, à Cauterunes visite à la Vicomtesse de la Rochette et à Mme Lafarge. Nous avons eu des difficultés pour remonter à St Christophe, remontées d'huile après une descente en 2ème à St Martin Cantales. Il est 8h du soir les autres poussaient la voiture et mettaient une cale.

Nous allons trop loin au Reynal (aucune indication), faisons demi tour et atterrissons près d'une ferme à 21h30; on nous dit notre erreur; Nous décidons de camper sur une petite place herbue à côté de la ferme. Nous montons les tentes et dînons dans l'obscurité.
Le 1-8-48, à notre réveil, nous entendons beaucoup de gens et des bruits de pots de lait. Ils disent: c'est des soldats? non, c'est des civils. C'était le lieu de ramassage du lait pour plusieurs fermes isolées. A 11h1/2, après la messe à St Christophe (beau tabernacle en forme de vase), nous arrivons à Salesse par chemin creux, étroit, entouré de haies où il est impossible de doubler. C'était le baptême du fils du fermier, Robert, grand déjeuner dont nous avons profité : oeufs à la neige,tarte, pain blanc, dix truites, du café.

Le 2-8-48, promenade avec Andrée à la Maronne, remontée à pic.
Le 3-8-48, achats à Pleaux (cloche à vache), pêche, mordillements.
Le 4-8-48, pluie la nuit et toute la matinée, nous avions déposé des bons d'essence à St Cernin.

Camping en Autriche 1952

Nous avons campé à Vasperviller avec les "Jean" qui avaient une tante Raclet: Jean, Françoise, Bruno. nous avons passé le Rhin à Neubrissac et par Fribourg et la forêt noire avons campé au bord du lac de Tïtisee, très humide et Bruno a eu très peur d'un homme déguisé en ours blanc. Nous sommes passés à Munich, après les sources du Danube à Donaushingen et près de Sigmaringen où ont été emmenés Pétain, Laval etc... Nous sommes passés à Salsbourg, mais pas au concert beaucoup trop cher. Cette région est pleine de lacs. Au 1er lac impossible de camper à cause de l'eau due aux orages très fréquents. A l'hôtel, ancien palais archiducal, on nous a trouvé 2 chambres avec petit déjeuner. Une était près d'un boucher et cela sentait très mauvais. Nous avons vu un joli petit lac .....lieu de naissance de Mozart. Enfin, nous avons campé à Wuterach à côté du lac très humide. Une grosse Mercédes n'a pu rester et est partie pour l'Italie camper chez un prince! On se baignait dans le lac où arrivait une petite rivière. Il y avait des branches et c'était dangereux.

Un ménage de Thionville venait de Suisse et avait promis d'être prudent dans les ascensions. Ne sachant pas nager le mari avait un masque et un tuyau et il s'est noyé. Beaucoup ont plongé pour le retrouver sans succès et les gendarmes sont venus avec des barques et des crochets. Il est remonté huit jours après et je suis allé cherché les parents à la gare de Saltzbourg et Jean a soigné la femme qui avait déjà une mauvaise santé.
Les orages étaient fréquents et violents et subits.
Nous avons gagné Insbruck où nous avons campé, après avoir suivi la vallée de la Salsach et un col où Andreas Hofer a battu Napoléon. Il a son mausolée à la Hofburg. Insbruck est une jolie ville avec le palais de la Hofburg et musique en plein air très souvent. J'ai loué une journée de pêche dans le Tyrol et ses maisons peintes. Il a plu très fort et je n'ai rien pris.

Camping en Espagne

Nous sommes allés voir Mathilde L. ( Mme P... ) à Anglet près de Bayonne, que nous avons visité : cathédrale, cloître, rues étroites où nous tournions en montant sur les bornes avec la 1472 XP 4 (11 normale). Nous avons campé à "la chambre d'amour" près de Biarritz et visité Biarritz, grands hôtels, côte rocheuse avec le roc de la vierge et mangé beaucoup de glaces (Andrée Michel étaient de vraies armoires à glace). Longeant la côte d'argent nous avons campé à Soccoa au dessous de saint Jean de Luz avec vue sur la mer et le port; à saint Jean de Luz monde fou, difficile de trouver une place pour s'asseoir sur la plage. Par Hendaye (frontière) à Irun nous sommes arrivés à San Sébastien (ville chic) et avons déjeuné à Dève (restaurant sur la mer). Par Guernica ville martyre nous avons gagné Santillana où il y a une abbaye avec un joli cloître plein de verdure (diapositive) des rues pavées et des maisons avec balcons de bois; palais de Schartzemberg où le gardien m'a proposé de coucher avec Monique qu'il a prise pour ma petite amie. Nous avons campé à Santander avant d' aller à Altamira. Le camp était sur la falaise, très exposé au vent mais belle vue sur la mer. Entrée monumentale et magasins sur place.
A Santander, belle ville, avec promenade en carrelage imitant les vagues et de magnifiques massifs avec très beaux ..... Nous sommes allés a un spectacle de danses très belles, heureusement avec une bâche car on a eu une très forte ondée.
De là nous avons gagné Altamira avec des grottes préhistoriques aux plafonds des bisons sculptés que l'on admire en se mettant sur le dos. Nous avons ensuite visité Burgos, sa cathédrale et gagné Soria ville ancienne et les grooms se sont précipités sur notre voiture pour avoir notre clientèle. Repas avec cinq petites côtelettes (de chèvre?).
Le soir toute la population est au jardin public bien éclairé et nous avons mangé des petits geux, pâtés etc...on jette les papiers par terre, et l'on dîne et déjeune très tard (22 heures du soir et 15 heures).

Nous avons suivi l'Ebre et nous n'avions plus guère d'essence et les pompes sont très rares. Le pays est plutôt désertique. Nous avons gagné Sarragosse où l'entrée du camping, piscines tennis est splendide avec 200 mètres de lauriers roses et blancs.
Il faisait une chaleur terrible. Nous y avons campé et pris force douches et bains. Toute la société de Sarragosse s'y retrouve pour déjeuner et se baigner. Les espagnols bruns aux yeux bleus faisaient du plat à Béatrix et Monique qui ont même été invitées à passer la nuit chez eux. On a visité des églises: ND del Pilar... et un monument romain.
De là nous avons gagné la costa del sol, jolie avec beaucoup de petites plages, camping en terrasses. Par Figuéras nous avons regagné la France, bonbons prima! par Port Bou, plein de virages.


Les batailles de la Somme


Les pèlerins irlandais et saxons remontent la Somme et fondent Péronne et Abbeville;
De 835 à 925, 17 invasions Vicking.
En 881 ensemble de la Picardie
Victoire de Louis III près de Sancourt. En 923 l'ordre se rétablit.
1336, guerre de 100 ans. 1339 Edouard III par Anvers arrive à St Quentin; Le 12 juillet débarquement à St Vast la Hougue, il passe la Seine à Poissy, les amiénois sont battus près de St Just. Le 22 août il est à Airaines, le 23 à Oisemont, le 24 au gué de Blanquetagne, le 26 août bataille de Crécy.
En mai 1358, la jacquerie
1415, Azincourt (Henri V)
1420, traité de Troyes, la Picardie est octroyée aux bourguignons
1429, Jeanne d'Arc.
Les villes de la Somme sont rachetées par Louis XI en 1463 suite au traité d'Arras de 1435: 400000 écus d'or; il dut les rendre en 1465 (Péronne).
1470, les troupes royales reprennent Amiens et St Quentin, Montdidier, Corbie, St Riquier, Roye, Doulens, St Valery, Cayeux furent détruites sur ordre de Louis XI " terre brûlée "
1475, traité de Picquigny: fin de la guerre de 100 ans.
1477, mort du Téméraire.
1522, les impériaux font le siège de Doulens.
1525, Pavie, François 1er prisonnier cède en 1529 les villes de la Somme.
1536, Péronne résiste au comte de Nassau et 60000 hommes.
1559, traité de Cateau Cambrésis, Henri II, guerre de religion
Le 11-2-1595 Henri IV déclare la guerre à l'Espagne.
Le 14-7-1595 Fuentes attaque Doulens
Le 14-7-1595 le duc de Bouillon, l'amiral de Villard, ST Pol participent à la bataille de Huslen. Fuite vers Beauquesne. De Picquigny le duc de Nevers revient à Beauquesne et attaque un corps ennemi à Authie.
Les 10/11-3-1597 prise d'Amiens avec noix et pommes. Henri IV vient à Beauquesne. Le 2 septembre reprise d'Amiens. Le 19 octobre il est à Beauval.
Juillet 1635 guerre de 30 ans, calamité sous Louis XIII et Richelieu, avec le duc de Chaulnes attaque de Pas en Artois
Août 1635 le comte de Fressin réduit le Ponthieu en cendres. En septembre 1635 des divisions sont cantonnées à Authie, Bienvilers, Hébuterne, attaque de Beauquesne, Grandmaison, Thièves, Marieux, Arquèves, Louvencourt, Varennes, Vauchelles et Pas.
15-8-1636 prise de Corbie, terrible année, on s'acharne sur les ruines: Mons, Montrelet, Miaquaire disparaissent. Pestes de 1639 à 1658 de nombreuses troupes dévastent tout.

Bataille de la Somme

1er juillet à novembre 1916
Il y avait 36 divisions anglaises et 40 divisions française. Une attaque est décidée en octobre 1915 contre Maubeuge.

Le 21-2-1916 les allemands attaquent à Verdun. Les anglais tiennent de Gommécourt à Maricourt, les français de Maricourt à Foncancourt.
Du 1er au 10 juillet, en gare de Bôves on compte 72000 blessés graves dirigés vers 13 hôpitaux. 90000 obus par jour. Du 26 au 30 juin des gaz et une avalanche d'acier. Le 15 septembre 1916 première bataille de chars, 49 tanks anglais enlèvent 10 km de tranchées sur 2 km vers Rosière. Il y en avait au bois de Sériel.
Le 10 novembre prise de Thiepval. Sont morts 400000 anglais, 200000 français et 300000 allemands, au total: 900000.
Joffre est remplacé par Nivelle!!

Bataille de Picardie en 1918

Le 21 Mars Ludendorf attaque avec 59 divisions 30 divisions anglaises.
Le 25 entre Roye et Estrée vide de 20 km.
Le 26 Mars à Doulens Foch est commandant en chef, encore des attaques le 8 avril et le 25 avril à Moreuil et Villers Bretonneux, les allemands ont progressé de 52 km. Du 9 au 12 juin attaque dans la vallée du Matz(?) repoussée par des chars lourds dont 70% sont détruits, plateau de Marq, Liétaule.
Le 8 août, jour de deuil de l'armée allemande (Luddendorf), les anglais, avec 456 tanks attaquent entre Albert et Mareuil avec l'aviation.
Le 21 août attaque de Thiepval, le 27 à Fricourt, les Allemands ont eu 200000 victimes 34000 prisonniers.

Pêche dans l'Avre 1961 à 1971

" Au bord de l'eau " de Mr Houllier de Harless m'a incité à aller pêcher la vaudoise, à la mouche dans l'Arve. Ce n'était pas loin d'Amiens entre Moreuil Castel et Hailles. J'y suis allé souvent et avec Mr Riolot. Un jour je me suis enfoncé un hameçon dans le pouce et Michel me l'a enlevé, rentré à Amiens.
Il y avait beaucoup de vaudoises, de perches, de blancs et j'y ai pris un brochet de 40 cm et une grosse brème à la mouche et j'ai cassé ma cane anglaise en voulant la ramener. La rivière est jolie suivie par un petit sentier, car elle était navigable autrefois, quelques trous dans les virages, trou madame, trou gaillard, trou du curé.
Ma plus grosse vaudoise faisait une livre, mais j'ai casé dans l'herbe en la ramenant, j'ai pris un gros chevesne. Un retraité péchait la perche a la dambinette (?). La cartonnerie Thomas à Pierrepont a pollué et il y a eu de moins en moins de vaudoise. La vaudoise prend la mouche en se retournant quand elle est passée. souvent sous les arbres (saules) où il y a des insectes.

De 1958 à 1970 j'ai pêché: 142 vaudoises, un brochet, une perche, un rotengle et un chevesne.


La pêche à Chapeauroux

La vallée de Champeauroux est un site magnifique de la Lozère. La rivière à pente rapide, torrentueuse, encaissée prend sa source à l'Habitarelle, sous Châteauneuf de Randon (1000 m) où se trouve le mausolée en granit, imposant, de Duguesclin qui fut tué au siège de Châteauneuf contre les anglais. Ce n'est que cascades, cascadelles avec quelques petits étangs dus aux barrages de rochers. Au mois de juin, c'est une splendeur avec les bouquets de genêts en fleurs qui percent au milieu des verts sombres des pins et sapins. La rivière se jette dans l'Allier au village de Chapeauroux sous un immense viaduc en courbe. C'est la que fut tourné le film "la princesse du rail" (locomotive) et nous avons vu le départ de l'équipe de tournage.
Les truites, les vaudoises, les chevesnes s'y plaisent mais sont difficiles à prendre à cause du nombre de pêcheurs.
J'y suis allé trois années consécutives. Une fois avec Andrée nous avons du mettre rapidement un chandail en sortant de l'auto, en plein midi, en été, tellement il faisait froid.
En 1965, j'ai campé avec Antoine et la frégate à Chapeauroux. Je suis allé avec Marcel Darras, en ...., à l'hôtel de Chapeauroux. La vielle buraliste avait beaucoup de mal à faire ses comptes pour un paquet de tabac!
Une route bordait la rive droite du torrent et le surplombait quelque fois de 50 mètres. C'est ainsi que j'ai photographié deux baigneurs roses que nous avons pris pour Adam et Eve, d'après la tenue. (voir diapositives ).


Salesse

commune de St Christophe les gorges

Propriété de la famille Lafarge en indivision depuis 1821 (gravure de Mgr de Quelen, calendrier). Maison du cantal type couverte en lauzes et avec souillarde. Une grande cheminée, une belle armoire, un lit avec rideaux et couverture rouges. La pierre de la porte d'entrée laissait passer un courent d'air terrible vers la grande cheminée. Nous avons eu un gros orage et l'eau tombait sur le lit par un trou dans le toit. A coté il y avait une grange où l'on a fait un dortoir avec vue sur le barrage d'Enchanet. Un four à pain servant surtout par temps neige. Une grange où l'on montait le foin au dessus de l'étable avec le tombereau à boeufs. Une ferme occupée par Mr Mallet sa femme et ses enfants. Jeannot qui a épousé la bergère du Chanrobert qui faisait sa communion à notre arrivée. Une fille a épousé un gendarme. Mallet a tué un homme qui courtisait sa femme ( assez jolie ) mais a bénéficié d'un non lieu. C'était un braconnier qui pêchait la truite à la main, au filet, à l'épervier; Il les vendait à Pleaux aux hôtels, pour les mariages et 1ères communions même chez les gendarmes. Il pouvait ainsi payer l'énorme quantité de vin qu'ils consommaient, jusqu'à 7 litres par jour.

J'y suis allé avec ma traction. Le site est magnifique: c'est un éperon rocheux (gneiss, micaschistes) qui surplombe la vallée de la maronne, torrent descendu du Puy Mary et l'oblige à faire une grande boucle autour d'une presqu'île. La ligne de chemin de fer de à Aurillac traverse la propriété, tantôt en viaduc, tantôt en tunnel et met souvent le feu aux bois. C'est la source de revenus.
Dans la Maronne, il y a pas mal de truites, des chevesnes (cabots) , des perches et des gougeons.
Une allée de tilleuls mène au banc de pierre d'où l'on a une jolie vue sur les gorges.
La grande ferme est à coté de la maison, aussi un four à pain pour l'hiver, une étable et la grange au dessus. Derrière la ferme il y a un beau potager et des bruyères splendides. Nous sommes retournés à Salesse en 58 avec René et Suzanne.